jeudi 3 avril 2014

Vol inaugural



A l'embarquement une haie d'honneur accueille les passagers du vol Air-France Paris CDG - Tokyo Haneda. Procédure quelque peu inhabituelle pour un équipage Français que de faire des courbettes aux clients sur la passerelle d'accès au triple 7. Mais lorsqu’il s’agit du vol inaugural d’une nouvelle ligne on met les petits plats dans les grands. Et il faut bien reconnaître qu’il est assez valorisant de se faire accueillir de la sorte, et tout particulièrement apprécié par les Japonais.
Pas si souvent qu'une compagnie ouvre une nouvelle ligne intercontinentale. Tout sourire l'équipage nous reçoit sur son 31. Pour ces professionnels du voyage l'instant est empreint de solennité, héritage de leurs prestigieux ainés, pionniers des lignes commerciales à une époque pas si lointaine où prendre l'avion était une aventure : on s’envolait de « champ d'aviation », pistes en herbe où l'on montait littéralement en avion par une échelle en aluminium, dans les flaveurs d’huile et d’essence mélangées, sous d'énormes hélices accrochées à des moteurs en étoiles. Les cabines étaient ni pressurisées ni vraiment chauffées, et l’on voyageait dans le vacarme assourdissant de ces grandes orgues mécaniques, ballotés par les turbulences de la couche nuageuse, emmitouflé dans des manteaux fourrés, chapeauté et ganté. Sûr qu’il fallait alors avoir le cœur bien accroché et le porte feuille bien garnis, pour des voyages de plusieurs jours s’il s’agissait de rejoindre l’Asie, via d’indispensables et exotiques escales indispensables au ravitaillement et à la maintenance de l’avion.

L'annonce du commandant de bord est quelque peu surfaite, mais l'on sent la passion du métier. Et je dois reconnaitre que je l'envie un peu. Tracer « tous les jours » de belles courbes comme une comète éphémère dans la stratosphère reste encore un peu magique et ne doit pas trop prendre la tête...

Vol de nuit parmi les étoiles au dessus de l'immense Russie dans une indicible sensation d'ailleurs, longue somnolence comme une parenthèse entre deux mondes.

Devant nous le ciel pâlit. En quelques minutes les rayons du levant envahissent la cabine comme tous les matins radieux à 10 000 mètres d'altitude.
Petit déjeuner, descente après un long virage à droite au dessus du Pacifique, parfait « kiss landing » à Tokyo Haneda sous les applaudissements des passagers. Et cette impression de vivre un instant unique quand le commandant nous remercie d'avoir été les premiers sur cette nouvelle ligne Air-France, tandis que les hôtesses remettent un diplôme à chacun, comme une page du rêve de la longue et belle histoire de l'aviation.


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