Voyager en Chine fin Janvier est
comme se faire emporter dans un gigantesque mouvement de foule. Le pays tout entier
est pris d’une frénésie de voyage. Dans toutes les directions, agitation de
fourmilière de millions de petits bonshommes lourdement chargés, souriant
jusqu’aux oreilles, qui prennent d’assaut gares et aéroports pour retourner au pays,
entendez par là dans leur province d’origine, fêter en famille le nouvel an
Chinois.
Incroyable migration saisonnière de
millions d’habitants de l’Empire du Milieu, dont la population de plus en plus
concentrée autour des grandes métropoles – synonymes de modernité et
développement économique – retourne pour quelques jours à la campagne retrouver
les racines familiales autour de leurs « vieux parents ».
Au-delà du déplacement physique, cette
grande transhumance est aussi un voyage dans le temps, retour vers le passé pour
tous ces gens qui, en une génération, ont sauté une époque pour se retrouver
propulsés sans transition dans le 21ème siècle. Et ce sont eux qui
poussent aujourd’hui l’économie mondiale…
Imaginez un peu : quitter le KFC
du quartier où l’on bidouille son smart-phone assis autour de tables en
plastiques aux couleurs vives, à grignoter du poulet frit derrière la vitrine
donnant sur la rue encombrée de milliers de voitures asphyxiant les passants
pressés, éblouis par les lumières scintillantes des enseignes publicitaires sur
écrans géants, pour se retrouver au village, accroupi sur le seuil de la
maison ou bien assis sur de tous petits sièges en bambou polis par les ans, à
jouer au majong et manger un bol de soupe au riz sous la lumière blalarde d’un
vieux tube néon.
La Chine contemporaine et ses grands écarts… Celle-là même que bien souvent par méconnaissance l’on a tendance à diaboliser et qui nous fascine.
La Chine contemporaine et ses grands écarts… Celle-là même que bien souvent par méconnaissance l’on a tendance à diaboliser et qui nous fascine.
Après celle du serpent nous entrons
dans l’année du Cheval, signe de mouvement, vivacité voir d’impétuosité qu’il
va s’agir de canaliser…
Partout des lampions rouges égayent
les lieux publics et déjà l’on ressent cet esprit de fête propice à la
convivialité, un air de Thanks Giving Américain ou de Noël, quand il suffit de
quelques jolies lumières pour changer l’humeur des gens et créer ce quelque
chose de plus qui rend la vie plus belle.
Shanghai : nous terminons la
journée de travail par un diner avec nos partenaires.
Les affaires initiées sous
le signe du serpent sont allées bon train et l’on espère bien consolider sous
celui du Cheval. L’ambiance est à la fête et l’on trinque sans retenue en se
souhaitant la bonne année et tout ce qui va avec… Puis c’est rapidement la surenchère
de « 咽 », (prononcer « campé », littéralement « cul
sec »). Les esprits et les corps s’échauffent rapidement dans la
petite salle privative du restaurant toute embuée de vapeur de cuisine et de
transpiration. Visages rougis et hilares se décomposent alors dans de béates expressions un peu stupides. Très vite il n’y a plus ni Américains, ni Européens, ni Chinois,
mais une dizaine de gars déclamant toute sortes de déclarations incongrues, dans
un mélange incompréhensible de langues dont les mots n’ont à ce stade plus
vraiment d’importance, laissant place au langage universel de l’ivrogne,
éphémère Espéranto, quand sous l’emprise des vapeurs d’alcool toute inhibition disparait
au profit d’une étrange euphorie dont les détails se perdent dans de larges fou-rires d'abrutis.
Bref, une soirée qui reste comme un
souvenir brumeux au lendemain laborieux.
Bonne année à tous :)
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