Nantes,
Paris, Mexico-City, Merida, Queretaro, La Paz, Mexico City… Les rendez-vous
s'enchainent entre les vols de liaison : poulet de chair, pondeuses,
crevettes, intense et passionnant voyage d'affaires dans un pays qui ne l'est pas moins.
Un peu
plus de 100 millions d'habitants et 12eme économie mondiale qui peine à
décoller malgré de nombreux atouts notamment dans les technologies de
l’information ainsi que l’agriculture dans une certaine mesure. Etouffé par une
administration corrompue, certes en voie de "guérison", et la
pression économique de son grand voisin Américain profitant d'une main d'œuvre
corvéable et bon marché, qu’il laisse entrer massivement de manière illégale,
pour assurer, à bas coût, et sans contre partie de prestations sociales, les
tâches délaissées par les nationaux.
Mais les choses changent et l'on sent ici une
vraie volonté d'émerger, voir de prendre une revanche.
...
Il est
22h30 et je sorts profiter de la brise de mer du golfe de Cortes.
Je marche
tranquillement, un peu perdu dans mes pensées, quand un gars m'aborde gentiment.
-
Buenas
noches Senior.
Je lui réponds
par la même formule, à vrai dire mes seuls mots d'espagnol, et poursuit en
anglais pour lui signifier que je ne parle pas la langue.
Il me
répond avec un large sourire dans un anglais parfait :
-
Would you agree to exchange your boots against mine ? (Serriez-vous d’accord pour échanger
vos boots contre les miennes ?)
Après un
instant de surprise je jette un œil sur ses chaussures, en vérité de très
spectaculaires santiags Mexicaines aux bouts pointus, joliment travaillées, et
talons biseautés. Elles en jettent ses bottes. Puis je regarde les miennes, de
simples boots basses en cuir patiné par les années, plusieurs fois
ressemelées, aux bouts également pointus et talons droits presque plats. Certes
elles sont bien cirées, super confortables et pratiques quand il s’agit de
passer les procédures de sécurité des aéroports ou les enlever et remettre en
vol lorsque les pieds gonflent un peu. Y’a pas de détail quand il s’agit de le faire
plusieurs fois pas jour. Mais à part ça, rien de très original.
Passé
l’instant de surprise, je lui réponds que les siennes sont beaucoup plus belles
et qu’il y perdrait sûrement. Mais le gars insiste :
-
Puis-je
les essayer ? Tout en ajoutant le geste à la parole en retirant ses bottes
pour se retrouver en chaussettes sur le trottoir.
Allez
savoir pourquoi, mais je retire également les miennes, en fait une seule, par
prudence, que je lui tends.
-
Ouha, Kenzo. Very
nice shoes indeed ! S’exclame t-il avec enthousiasme avant d’enfiler ma
chaussure droite et de se contorsionner pour en voir l’effet sur son pied
nouvellement chaussé.
Et c’est
vrai qu’elles ne sont pas mal ces pompes…
Etait-ce
l’air marin où la fatigue de fin de semaine, mais me voilà également à passer sans problème sa botte droite, plutôt
confortable, avant de partir dans un joyeux fou rire, imaginant la scène s’il
prenait à mon nouvel ami l’envie de s’enfuir en me laissant en plan. Mais à
quoi bon s’enfuir avec une seule chaussure ? Quant à moi, je peux comparer
à loisir l’effet vu du dessus de sa santiag droite. Sans doute un manque
d’habitude, mais j’ai l’impression d’être affublé d’un organe supplémentaire
tant l’engin est imposant, sorte de corne de rhinocéros aux allures phalliques. Peut-être une hallucination de voyageur abstinent…
-
Alors,
on échange ? me relance t-il.
-
Non
merci pas cette fois.
-
Pas
cette fois ?
En vérité
il ne lâche pas le morceau, et insiste même en expliquant qu’il a d’autres
paires que je pourrais choisir si celle-ci ne me plait pas.
Par
curiosité je lui demande combien il en a ?
-
Sept,
une paire par jour ! Normal.
Ben oui,
c’est normal… Il faut dire qu’ici les santiags c’est quelque chose, comme un
signe particulier de virilité souvent assorti d’imposants ceinturons, vestiges
contemporains d’une époque où les "Mexicanos" rivalisaient avec les "Américanos" pour la
conquête de la Californie…
-
Et
celles-ci (les miennes) tu les mettrais quel jour ?
-
Ca
dépend, mais pour sortir avec ma petite amie.
-
T’as
tout compris mon gars, c’est justement pour ça que je ne veux pas m’en séparer. Demain je rentre à la maison retrouver la mienne.
Sur ce, nous
nous tapons la main dans un grand sourire et reprenons chacun nos chaussures en
nous souhaitant bonne chance.
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