jeudi 20 août 2009

Flashback à Budapest

Roissy Charles de Gaule, Terminal 2D : en attente dans le confortable salon Air France, tandis que le vol AF2694 à destination de Budapest opéré par Malev, la compagnie nationale hongroise, est décalé à 20h40, je reçois un SMS de notre fils Lou qui, coïncidence du calendrier, poursuit là bas son tour d’Europe en train :
- Fred, on est au bord du Danube à regarder les qualifs des « Red Bull air race », c’est super impressionnant !
Pour les non initiés, il s’agit de courses d’avions au dessus du fleuve qui traverse la ville, où des « furieux », à bord de machines volantes affutées comme des lames de Laguioles, volent sous les ponts et slalomes entre des pilonnes au raz de l’eau. Juste un truc de fous !
Allez savoir pourquoi, mais ce SMS me fait l’effet d’un flashback : à son âge, en cette même période estivale, j’étais aussi à Budapest avec mon complice Franck, animé par la même motivation de découvrir le monde. A bord de ma vielle Renault 5 verte, nous venions tout juste d’être expulsés manu militari de la Roumanie voisine, alors dans sa pire période de dictature Ceausescu. C’était il y a tout juste 26 ans… j’avais 19 ans. A cet instant précis je n’arrive pas à croire que depuis, un quart de siècle se soit écoulé !



Après 1h45 de vol, le vieux Boeing 737 défraîchi se pose en douceur sur l’aéroport Ferihegy. Il est déjà tard et nous nous engouffrons dans un taxi vers notre hôtel.



Terminant notre rendez-vous de ce matin un plus tôt que prévu, accompagné de Yann, mon collègue de travail, nous retrouvons Lou et son copain Mathieu pour un rapide déjeuner en ville. Le taxi nous dépose juste du coté Est du « Pont de Chaine » qui enjambe le Danube, aujourd’hui plus gris-marron que bleu comme le prétend pourtant la chanson.
Ici le fleuve fait la séparation naturelle de Buda et Pest, 2 villes réunies en une pour devenir Budapest, seconde capitale de l’empire Austro-hongrois.
En plein travaux, la ville reste dans ce pur style impérial un tantinet prétentieux avec ses façades baroques parfois colorées qui lui donne un charme si particulier. Le tram jaune d’un autre âge assure toujours son service. Intéressant clin d’œil du passé à l’avenir à l’heure où, « à l’Ouest », nous reconstruisons les nôtres oubliés dans la période où la voiture représentait le meilleur moyen moderne de circulation en ville…

Tandis que sous un soleil rayonnant nous attendons nos salades attablés à un café surplombant le fleuve au pied du « Pont de Chaine », dans un vrombissement ahurissant à vous donner la chair de poule amplifié par les façades empire le long des berges, un avion passe à très vive allure sous le tablier du pont avant d’enfiler un slalom invraisemblable à 10 mètres de l’eau entre des portes flottantes, pour virer en chandelle et finalement refaire le chemin inverse, laissant sur son passage une éphémère trainée de fumée blanche soulignant son incroyable trajectoire. Quel spectacle ! Et je me dis que ce n’est pas demain la veille que nous aurons droit à ça en France, au nom d'un certain principe de précaution tuant les initiatives hors normes.
Entre les passages d’avions les garçons nous racontent avec passion leur voyage en train à travers l’Europe.
Au bord de l’eau, des filles en tenues d’été légères, belles à damner tous les saints, défilent en suçant des glaces italiennes le regard caché derrière la dernière paire de lunette à la mode…
Le moment est agréable, cocktail d’impressions inattendues à cet instant : décor, commentaires à chauds du voyage de mon fils, gens qui passent, show des avions, soleil…



Alex est notre rendez-vous de ce soir. Un Juif d’origine Ukrainienne et de nationalité Israélienne : la cinquantaine, regard pétillant, cheveux rasés, teint hâlé, souriant, il est en fauteuil roulant, arrivant à l’instant de Tel-Aviv, spécialement pour notre rencontre de ce soir avant de repartir dès demain pour Kiev.
Au premier abord émane de cet homme une énergie peu commune. Sitôt les premières secondes de notre échange de politesses un flux d’ondes de sympathie circule entre nous. Nous parlons business bien sûr, mais Yann a déjà très bien préparé le travail et les grands enjeux sont pour demain matin. Alors très rapidement nous dévions politique et c’est passionnant. Comment lui voit-il la situation en Israël, ou plus généralement au Moyen-Orient ? Je questionne, j’écoute, donne aussi mon opinion. Nous échangeons en Anglais. Le débit moins spontané, les mots choisis peut-être moins précis, moins nuancés en tout cas, mais d’avantage réfléchis donne au débat une réelle consistance. L’enthousiasme et l’humanité de cet homme est réellement communicatif.
En fin de soirée je permets de le questionner sur l’origine de son handicap.
Sans gène et visiblement sans rancœur il me raconte son accident de voiture à New-York en 1988 : alors qu’il avait la trentaine un camion conduit par un chauffard ivre percute violemment sa voiture. Choqué mais apparemment indemne, par précaution il consulte néanmoins le lendemain. Parmi les nombreux examens de contrôle effectués dans une clinique privée, allez savoir pourquoi, il subit une ponction lombaire qui s’infecte et tourne mal. Quelques jours plus tard il est paralysé des 2 jambes !
- J’ai sombré pendant 2 ans dit-il, baladé de clinique en clinique sans que l’on comprenne ce qui s’est passé. Quant il a été évident qu’on ne pouvait rien faire d’autre pour moi que de me piquer mon argent en consultations chez des docteurs uniquement intéressés par leur business, j’ai décidé de ne plus jamais revoir de médecin et de recommencer à vivre. Cela a été pour moi comme une deuxième naissance. Depuis j’ai eu 2 enfants, voyage dans le monde entier et développe mon entreprise. Je n’aurais jamais rêvé d’avoir une plus belle vie.

En l’écoutant, je me surprends à penser, quelle belle histoire ! Alex avait su transformer une épreuve que la plupart d’entre nous vivraient comme un drame définitif, en une success-story, celle dont on se dit, aussi incroyable que cela puisse paraître, qu’on aimerait bien les vivre.

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