samedi 4 novembre 2023

Terre Promise

Depuis le sommet du Mont Nébo la vue est imprenable :

Comme un commencement du monde, au Sud la Mer Morte distille ses vapeurs salées dans le ciel brumeux.

A l’ouest, la vallée du Jourdain s’étale en grand, au creux de laquelle s’écoule la rivière mythique depuis le lac de Tibériade.

Plus loin, les montagnes d’Israël d’où l’on aperçoit Jéricho, et même, les jours de beau temps, le dôme doré de la grande mosquée de Jérusalem construite sur les ruines du temple de Salomon, haut lieu des religions monothéistes.

Selon les écritures, dans son voyage épique pour conduire les Hébreux vers la Terre Promise, après avoir traversé le désert du Sinaï et franchi la mer rouge à pied, Moïse se serait arrêté ici pour y mourir à l’âge de 120 ans.

Peut-être... Peut-être pas... Mais qu’importe, l’histoire est belle, faite d’intrigues, d’aventures, de phénomène surnaturels, de prédiction, de miracles, de haine et d’amour. Il n’en fallait pas plus pour faire converger ici des milliers de pèlerins curieux de découvrir ce panorama comme peu d’autres chargé d’autant de symboles, et ressentir éventuellement les vibrations d’une promesse de vie meilleure.

Par l’étroite route en lacets très pentue, la descente vers la vallée est impressionnante. Si ce n’est le revêtement bitumé, les premiers kilomètres n’ont probablement que très peu changés depuis 3000 ans. Et la tente de bergers plantée là autour de laquelle paissent quelques chèvres et moutons sur le sol aride a quelque chose de biblique. Seule une ligne haute tension nous ramène à notre époque avant qu’un peu plus bas nous retrouvions les sacs en plastiques voletant dans la campagne, tels les oiseaux de mauvaise augure de la vie moderne. Puis, après un contrôle de police, la route principale vers la Mer Morte.


Notre hôtel se trouve justement sur ses rives. Je pourrais dire se trouvait tant le changement climatique et la surexploitation du Jourdain en font baisser le niveau. Un mètre par an, ce qui a eu pour effet de faire reculer la berge de plusieurs centaines de mètres en deux décennies. Inexorable recul des eaux sans aucune cause surnaturelle.

S’y baigner est une expérience sensorielle inédite. L’extrême concentration en sel, 31%, dix fois plus que l’eau de nos océans, génère une flottabilité unique. On entre dans l’eau jusqu’au-dessus du nombril, et tel le bouchon d’une canne à pêche, flotte déjà dans un équilibre assez instable. En fait le mieux est de s’y assoir pour se laisser porter. Sensation d’apesanteur de celle que doive éprouver les astronautes. Ou s’y allonger comme sur un matelas liquide. Agréable impression de légèreté où l’on se sentirait (presque) capable de marcher sur l’eau... 

A moins que ce ne soit la grâce de ces lieux qui nous transporte dans une autre dimension.

 

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