J’entrouvre le hublot. La lumière crue de la stratosphère entre dans la cabine telle un rayon laser. Quelle heure est-il ? 3h45 indique ma montre. Mais 3h45 d’où ? Alors que nous devons encore être au-dessus de la Russie dans ce vol de retour de Canton vers l’Europe.
Dans mon sommeil haché peuplé de rêves
étranges, de ceux vécus lors d’expéditions en montagne – sans doute les effets
cumulés de l’altitude, de la fatigue et de l’inconfort relatif – je me suis refait
le scénario de cette nouvelle semaine Chinoise ; je ne les compte plus. Et
force est de constater que cela s’avère payant pour le développement de nos
activités, résultat d’un travail d’équipe, au long cours, fait d’empathie et de
détermination vis-à-vis de nos clients et partenaires de l’Empire du Milieu. Et
à bien y réfléchir, intégrer le fait que nous n’en serions que des satellites,
à l’opposé de notre vision du monde habituel, permet peut-être de construire
des business consistants avec ce pays au potentiel extraordinaire.
De l’autre côté du hublot, la belle
courbure de l’aile de l’A330 projette le regard vers l’horizon au-dessus de la
couche nuageuse, dégradé de couleurs arc-en-ciel jusqu’à ce bleu profond au-delà
duquel brillent les étoiles.
Nous sommes au 21ème siècle,
j’ai 52 ans, et je me demande si j’aurai l’opportunité d’y aller faire un tour,
de l’autre côté du ciel, là où d’un seul coup d’œil on embrasse la courbure de
la planète bleue sous un ciel d’encre piqueté d’étoiles.
Le 20ème siècle était plein
de promesse à cet égard, annonçant la possibilité aux terriens de voyages spatiaux
accessibles, comme ce fut le cas pour les voyages aériens. Ceux-là même qui ont
changés le monde, rapprochant tous les Hommes à moins d’une journée de voyage.
Tout semblait alors possible. Les
américains étaient allés marcher sur la lune, les Français et les Anglais
avaient co-développé Concorde, cet avion magnifique aux performances encore
inégalées « volant plus vite que le soleil ».
Mais voilà, personne n’est retourné sur
la Lune depuis près de 50 ans, et Concorde ne vole plus. Pour la première fois
dans l’histoire récente de l’humanité, c’est un peu comme si l’on avait renoncé
à une certaine idée du progrès en visant moins loin et moins vite, reléguant
Apollo et Concorde au rang de dinosaures que l’on peut maintenant redécouvrir
dans des musées.
Quelque chose aurait-il donc changé
dans notre quête de découverte, de « vitesse », de progrès au
point de renoncer à dépasser nos limites ?
Certes les révolutions technologiques
de l’information ont aussi changé le monde. Mais elles ne remplaceront jamais
la réalité du voyage, de la découverte physique et du contact direct. Heureusement,
quelques entrepreneurs visionnaires tels Elon Musk poursuivent ce rêve dans des
entreprises audacieuses telles Space X ou Tesla.
Sous mes yeux embrumés défilent de
magnifiques arabesques nuageuses.
A 10.000 m il y a cette couche de ciel étincelante
où les avions sillonnent la planète, loin de l’agitation du monde, lieu unique
propice au rêve et à la réflexion, celui-là même qui inspira quelques-unes des
plus belles pages de Saint Exupéry.
Dans quelques heures l’avion se posera « à
la maison ». J’ouvrirai les journaux et il sera question des attentats en France,
du Brexit, de la crise de l’immigration en Europe, de la guerre au
Moyen-Orient, des prochaines présidentielles au Etats-Unis et de grippe aviaire…
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