Cela se passe au coin d’un improbable
bar d’hôtel, quelque part en Amérique du Nord, là où les hommes d’affaire et
autres représentants de commerce se retrouvent avant le dîner pour boire une
bière dans une informelle convivialité dont les américains ont le secret.
On échange alors quelques mots sur
l’air du temps et ses origines, dans un pays où les racines permettent d’afficher
son appartenance à la communauté portant haut la bannière étoilée.
A ma gauche le gars est Américain, fier
de ses racines Texanes.
Je me présente comme Français ce qui
fait réagir mon voisin de droite qui ne situe pas vraiment la France en Europe.
Et d’ajouter sans complexe :
-
Tu
sais nous c’est l’Amérique d’abord !
C’est alors qu’un troisième gars
intervient spontanément comme un joker sortant de sa boite.
-
L’Amérique,
de quelle Amérique parlez-vous les gars ?
Surpris, tous les regards convergent
alors vers lui, ce qui je crois était l’effet attendu.
-
Ben
oui les gars, moi aussi je suis Américain. Mais du Canada. Et regardez là-bas –
pointant du doigt un beau poupon dépassant largement le quintal en train de
siroter un Coca – et bien lui aussi est Américain, mais probablement du
Mexique. L’Amérique les gars, ce n’est pas que les Etats-Unis, et heureusement…
La seconde qui suit est comme suspendue
aux réactions des types assis autour moi. Un instant je crains l’incident, le
temps pour l’auditoire de reprendre une gorgée.
-
Comment
tu t’appelles mon gars ? lui demande un autre solide gaillard accoudé sur
le Zinc, dans un costume élimé trop grand.
-
Gratien,
Américain Canadien du Québec.
-
Okay,
okay Gratien, t’as pas tort. Sauf que dans le rêve Américain, l’Amérique c’est
la nôtre.
-
Pas
complètement faux les gars, et l’assistance de partir alors dans une franche
rigolade.
Du coup je ne résiste pas au plaisir d’échanger
quelques mots en Français avec cet Américain francophone, digne représentant
d’une communauté sous pression culturelle, et fier de revendiquer crânement sa
différence.