Attentifs aux consignes du directeur de course, quelques centaines de petits bonshommes en tenues de sport multicolores trépignent sur la ligne de départ. Il est 18h15 et fait déjà nuit noire. Nous partons pour un trail nocturne, 29 kilomètres dans les coteaux de la Moine, petite rivière qui alimente le moulin de Beau-Rivage d’où nous partons. Il faut dire que cette course, organisée par Benoit Mary, le dynamique créateur de la ligne de produits diététiques du sport, Meltonic, est la première du genre. Benoit est donc dans ses petits souliers pour ce départ au siège de son entreprise, et les participants impatients de découvrir un parcours inédit.
C’est donc parti pour un peu plus de 3
heures d’effort.
Au signal du starter la petite foule
démarre doucement par un large chemin montant le long d’une prairie humide. Très
rapidement le groupe s’étire comme un long serpent lumineux, étincelante
guirlande de Noël illuminant notre bocage. Je suis d’ici et pourtant déjà
ailleurs, perdant rapidement mes repères. Le ciel couvert masque la voute
étoilée et quelques gouttes éparses strient les faisceaux lumineux des lampes
frontales. Pourvu que ça ne n’empire pas. Je ne suis parti qu’avec un bonnet de
laine sur la tête, en réalité la meilleure protection anti-pluie du coureur.
10 kilomètres : nous terminons la première
boucle à notre point de départ et laissons un premier groupe de traileurs qui
terminent ici. La guirlande s’est maintenant rompue en scintillantes étoiles
éparses. Je me retrouve seul dans la nuit d’encre. Il doit rester une vingtaine
de kilomètres avant l’arrivée et je n’ai maintenant plus la moindre idée du
lieu précis où je me trouve. Suivant le fléchage, mon horizon se limite au
faisceau de la lampe frontale, étrange mais agréable sensation de
désorientation comme je ne l’avais que rarement ressentis, sauf peut-être lors
d’ascension en très haute montagne.
Le coteau redescend entre les arbres sur la
rivière. Attention de ne pas se blesser bêtement. Les ombres générées par ma
lampe créent une atmosphère fantasmagorique peuplées d’étranges créatures de la
forêt. Je croise le regard immobile d’une chouette posée sur une branche, comme
la gardienne éternelle d’un lieu défendu, tandis qu’à quelques mètres un animal
détale d’un fourré.
De nouveau au milieu d’une prairie
spongieuse, je suis maintenant complètement seul au monde, dans ma bulle, en
dehors de l’espace-temps, gérant mon effort avec comme unique objectif
l’arrivée. Stimulant des pensées positives, des bouffées d’adrénaline
m’envahissent en vague successives déclenchant des frissons de chair de poule,
signe précurseur d’un surcroit d’énergie. Que c’est agréable !
Ravitaillement des 20 kilomètres : nous
laissons ceux qui s’arrêtent ici. Au pied du moulin d' Ivroreille,
dans un halo de lumière orangée donnant une impression de chaleur, des
musiciens, des boissons et du pain d’épice arrosé de Meltonic. Je fais le plein
et repars pour la dernière boucle de 10 kilomètres. Le parcours remonte entre
bois et prairies. Je ne coure plus je « vole », dans un état second
provoqué par toutes ces décharges d’hormones dont le corps a le secret. En paix
avec moi-même, l’esprit vagabonde au gré de tranches de vie, comme un
kaléidoscope où les images se croisent et se superposent sans logique
apparente. Et là vous vous dites peut-être qu’il faut arrêter les
substances hallucinogènes. Que nenni, inutile d’ingérer quoi que ce soit pour
cela (à moins que ce ne soit l’effet de la potion magique de Benoit :)). Dans l’effort, l’alchimie subtile du
corps et de l’esprit peut amener à une certaine extase naturelle dont le plus
grand bénéfice est, selon moi, celui de la motivation qu’il procure non
seulement dans l’instant, mais aussi pour l’avenir… Certains parlent de la
force de la méditation que l’on croit souvent être une activité statique. Je
suis personnellement tout à fait convaincu que cela marche aussi, et peut-être
mieux, en dynamique.
Plus que quelques kilomètres. A vrai
dire je ne sais pas combien et cela n’a plus vraiment d’importance. J’ai la
sensation de pouvoir continuer encore longtemps. Contrairement à beaucoup je
coure sans batterie d’électronique embarquée (GPS, cardio et autre logiciel de
monitoring de l’effort) pour privilégier le feeling au calcul, et permettre à
l’esprit de s’évader complètement.
Encore un kilomètre indique une
bannière, désagréable zig zag dans un petit bois à portée des haut-parleurs de
l’arrivée, comme un sas de retour au monde réel.
Franchissement de rivière par une étroite
jetée et c’est déjà fini, 3h15 après avoir démarré.
1 commentaire:
Le Trail une course tellement faite pour toi !
Je te souhaite plein de trails à ton tableau de courses.....
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