samedi 3 décembre 2011

Foz do Iguacu

8h30 du matin. Le Boeing 737 de la compagnie brésilienne Gol décolle de la piste 14 du petit aérodrome de Foz do Iguaçu. Sur fond de ciel indigo l’appareil s’incline doucement, large virage à droite dans la belle lumière de ce début de journée striant la cabine de rayons dorés à travers les rangés de hublots. Puis le capitaine annonce :
- Mesdames, Messieurs, à la droite de l’appareil les chutes d’Iguaçu,
avant d’incliner l’avion avec élégance pour permettre à chacun d’admirer le spectacle, et quel spectacle ! Un enchevêtrement de dizaines de cataractes vertigineuses – au confluent de la rivière Iguaçu et du fleuve Parana – dont les chutes vaporisent une brume humide diffractant la lumière en de multiples arcs en ciel sur fond de forêt tropical. Juste magique.
Nous sommes exactement à la frontière du Brésil, de l’Argentine et du Paraguay. La nature a développé ici des forces vives extraordinaires et les hommes ne s’y sont pas trompés, se regroupant là pour finalement se retrouver sur trois pays.
Je profite du spectacle en me promettant d’y revenir pour le redécouvrir les pieds sur terre, puis retombe insensiblement dans une agréable torpeur, bercé par le ronron des moteurs…

- What would you like to drink Sir ? me demande gentillement l’hôtesse poussant dans l’allée centrale son chariot chargé de boissons en tout genre.
- Water please, no ice.

Je bois à petites gorgées en repensant à la conversation d’hier soir avec notre client Roberto, chaleureux et volubile entrepreneur Brésilien, la cinquantaine bien entretenue, affichant sans retenue une belle réussite professionnelle construite avec audace : grosse berline sportive, jet privé…

Après le diner il me reconduit à l’hôtel à bord de sa rutilante Mercedes AMG. Ca change de la Logan de location… Même s’il est déjà tard, nous ne rentrons pas directement. Vitres teintées grandes ouvertes il m’emmène « faire le centre ville » de Cascavel où il est visiblement connu comme le loup blanc, saluant ses connaissances à renfort d’appels de phares et de grands gestes amicaux.
- Tu vois, dit-il en pointant du doigt un bar bien placé le long de l’avenue principale ? Et bien il est à moi.
Le « Wood’s bar », un bar à concert où des musiciens et chanteurs se produisent chaque semaine.
Je ne peux évidemment que le féliciter pour son initiative, même si je m’étonne toujours de ce mélange des genres, et tandis que nous continuons « la parade » sur la grande avenue, Roberto prend soudainement un air plus profond :
- Dis moi Fred, que ce passe t-il en Europe ?
- A quel point de vu ?
- La crise ! Ou allez-vous ? Que va-t-il se passer ? me demande t-il le regard marqué d’une pointe d’inquiétude que je ne lui connaissais pas.
Je réponds en expliquant que notre système est en train de se gripper, que « L’avenir n’est plus ce qu’il était » mais que personne ne veut regarder la vérité en face, chacun s’accrochant à ses acquis, ou du moins ceux qu’il croyait être acquis.
Et d’ajouter :
- Je crois que nous touchons les limites d’un système social mis en œuvre dans une période de forte de croissance économique, basé sur la consommation de biens d’équipement soutenu par une démographique dynamique.
- Or vous avez déjà tout et vous ne faites plus beaucoup d’enfants… me lance t-il tout de go.
- C’est un peu vrai dois-je bien reconnaître.
- Regarde chez nous ajoute t-il. Les gens rêvent tous d’un avenir meilleur et travaillent durs pour cela.
- Qu’est ce que veux dire pour eux un avenir meilleur ?
- Et bien vivre comme chez vous, en Europe. Que chacun dispose du confort moderne et de la « sécurité sociale ». Mais tu vois Fred, ce qui m’inquiète, c’est que si votre système devait s’écrouler, cela pourrait totalement changer les perspectives, non seulement les vôtres, mais aussi les nôtres. Et alors il faut imaginer autre chose dès maintenant, avant que nous ne nous retrouvions dans la même situation.
- T’as une idée ?
- Pas vraiment une idée, plutôt une réflexion. Pendant des décennies les pays occidentaux se sont développés et enrichis sur le dos des pays du sud (nous entre autres…). Et vous en avez bien profité n’est ce pas ? Et bien nous, les « nouvelles puissances », il va falloir imaginer construire notre développement économique durable tout en soutenant le vôtre. Sinon je crains que nous allions au devant de risques majeurs dans un monde où chacun serait alors tenté de ne défendre que ses intérêts particuliers.

Entrepreneur - philosophe réaliste le Roberto…

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