mercredi 9 septembre 2009

"Jogging is good for you!"


L’hôtel où je suis descendu, je devrais plutôt dire monté, ma chambre étant au 25ème étage, se situe légèrement au nord-est du centre ville. Au pied de l’immeuble coule très paresseusement la Liangma River qui prend curieusement sa source non loin d’ici, dans une mare en forme de croissant de lune entre les bâtiments.
De ma fenêtre, la vue vers le nord donne sur des immeubles dépareillés sans aucun intérêt, tout juste égayés le soir par l’allumage, au pied et au sommet, d’enseignes multicolores, rouges pour la plupart et reproduisant des idéogrammes Chinois. Toujours exotique pour un occidental !
Encore très propre, l’hôtel a bénéficié des travaux de rénovation et d’embellissement pour les JO de l’an dernier. Depuis lors, tout doucement, mais inexorablement, la qualité se dégrade.

Ce matin, comme tous les matins, réveil à 5h45 et rituel habituel : un grand verre d’eau, short, t-shirt, ma paire d’Asics, mon chrono, avant de descendre encore un peu embrumé pour mon jogging matinal quotidien.
Dans le lobby encore endormi, je salue le gardien et la jeune fille au comptoir, puis franchis la très grande porte roulante pour rejoindre la rue de l’autre côté de laquelle se trouve la rivière et ses voies sur berge récemment pavées.
Dans l’air immobile se dissipe une très légère brume. Déjà quelques pêcheurs, surtout des hommes d’âge avancé, installent leurs cannes pour « taquiner le gardon ». Il fait frais, mais le ciel et clair et le soleil levé depuis une petite demi-heure distille ses premiers rayons tièdes encore orangés. A n’en pas douter une belle journée s’annonce.
Tandis que je commence à trottiner, en cette heure matinale je croise un grand nombre de personnes se livrant à leurs exercices physiques : des femmes, des hommes de toutes générations marchent ou trottinent à grand renfort d’amples gestes des bras et des jambes, frappent dans leurs mains en émettant quelques sons gutturaux. Certains trottinent même en arrière, tout doucement, mais sans jamais se retourner. C’est aussi la sortie des petits chiens profitant de la promenade de leurs maîtres pour soulager leur besoins naturels, toujours proprement dans les fourrés. Ici on peut en effet courir en arrière sans risque de mettre les pieds dans la crotte…
Au détour d’un petit square, en musique un groupe de personnes s’adonne au Tai Chi, art martial Chinois dont le principe général est l’enchainement au ralenti de quelques 10aines de postures parfaitement synchrones, avec souplesse et dynamisme, comme une sorte de karaté dans le vide où les forces semblent parfaitement contrôlées : concentration, maîtrise, précision donne à cet art corporel une grâce que seuls quelques mouvement de danse semblent pouvoir égaler. Et ils sont là, quelques dizaines comme semblant tout droit sortis d’un documentaire de la National Geographic Society. A moins que, pour le coup, ce ne soit moi qui ne soit pas ici dans le contexte. C’est vrai qu’il n’y a pas de joggeur au sens classique du terme : courir en short, droit devant soi, en maitrisant sa respiration, concentrée sur ce geste on ne peut plus simple de mettre un pied devant l’autre à allure modérée. Alors le corps se détend, tous les muscles se délient en libérant les tensions accumulées. L’esprit s’oxygène puis, comme si de rien était, l’arrivée des endorphines vous amène doucement à un bien être naturel à nul autre pareil. Nous ne pratiquons pas la même activité physique mais peu importe ; nous sommes ici, à cet instant, pour le même objectif : entretenir notre corps et libérer notre esprit en profitant de ce moment unique qu’est l’aube.
Un peu plus loin, des petits vieux à barbichettes aux visages tout fripés, encore habillés en tenues Mao bleue marines, casquettes et chaussons de feutre, promènent dans des cages en bois leurs oiseaux chanteurs qui s’en donnent à cœur joie. Instant magique.
A ma gauche la rivière scintille au soleil. Légèrement grisé par mon agréable course je mets quelques minutes à réaliser que des baigneurs nagent dans cette eau douteuse, laissant derrière eux une belle onde régulière en forme de V.
A un carrefour je croise deux occidentaux, main dans la main, sahariennes et chapeaux légers. Apparemment de jeunes retraités, souriants, peut-être en voyage d’agrément, visiblement eux-aussi sous le charme de l’instant. Sans parler nous nous saluons simplement d’un petit signe de tête.
Déjà 20 minutes que je cours vers l’est rive droite. Au prochain pont je fais demi-tour pour me retrouver à courir après mon ombre. Successivement je recroisent les petits vieux et leurs concert de merles chanteurs, le groupe toujours à ses exercices de Tai Chi cette fois avec des éventails multicolores, les baigneurs se séchant vigoureusement au soleil, les marcheurs en avant et en arrière, les pêcheurs dont je n’ai pas vu sortir le moindre poisson…
En arrivant au pied de l’hôtel le gardien m’interpelle de son sourire édenté:
- Jogging is good for you!
Je lui réponds par l’affirmative avant de rentrer dans le lobby tout en prenant grand soin de ne pas passer sous le portique de contrôle de température mis en œuvre dans le ridicule contexte H1N1. On est jamais trop prudent !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Jogging is good for me too!