En arrivant à Saïgon la chaleur tropicale, épaisse, moite, vous enveloppe. Elle entre en vous, se glisse dans chaque pore de la peau, collante comme un teeshirt mouillé. Ici on ne respire pas seulement l’air, on l’avale, le mâche. Et dans ce bain tropical, la ville dévoile son animation trépidante, infatigable, vibrante comme un grand corps qui n’aurait jamais besoin de sommeil.
Sur les larges avenues, comme dans les ruelles étroites où l’ombre se faufile entre les murs, déferle sans fin le flux des motos. D’innombrables deux-roues, bourdonnant comme des essaims d’abeilles. On frôle, on zigzague, on devine la trajectoire de l’autre. Et pourtant, de cette apparente anarchie naît une étrange harmonie. Le chaos devient ballet. Le tumulte devient musique. Les klaxons sont des notes dans une partition improvisée.
Sur ces selles s’écrit la vie quotidienne de ce pays en pleine transformation : une famille entière sur la même machine, une montagne de fruits ficelées au porte-bagages, une échelle accrochée sur le côté. Tout est transportable. La moto est l’âme de Saigon : rapide, multiple, fluide.
Les grandes avenues brillent de mille sun lights, traversées de néons, de vitrines scintillantes, d’hôtels aux façades prétentieuses. Mais il suffit de tourner dans une ruelle pour basculer dans un autre univers : de minuscules boutiques vendant toutes les mêmes sandales, les mêmes tissus, les mêmes ventilateurs.
Et à chaque coin de rue des effluves de cuisine titillent vos papilles. La street food n’est pas un simple repas, elle est la respiration même de la ville : dans la fumée bleue des grillades, dans le bouillon parfumé d’une soupe, dans la dentelle croustillante d’un beignet.
Les odeurs se mêlent, se superposent : coriandre, citronnelle, caramel, piment rouge.
Et l’on s’assoit sur ces petits tabourets en plastique crasseux, au ras du trottoir, au bord du flot des motos comme devant la scène d'un grand théâtre. Manger dans la rue, c’est communier avec la cité.
Au détour de ses méandres, on finit par croiser le grand fleuve Dong Nai. Large, presque impassible. Ses berges bruissent de vie, ses flots portent encore des jonques de bois, silhouettes presque anachroniques ballottées par les sillages des navires commerciaux. Ici, le passé et le présent se mélangent au gré des courants.
Et dans tout cela, les visages. Les regards. Les sourires. Comment ne pas être saisi par cette gentillesse, cette douceur qui se dégage des Saïgonnais ? On pourrait croire qu’un peuple meurtri par tant de guerres porterait sur lui le poids de la rancune. Mais non. De la colonisation française à la guerre civile, des bombes américaines aux déchirements politiques, les cicatrices se sont muées en résilience.
Le sourire vietnamien n’est pas une politesse de façade, il crée un lien indéfectible avec ce peuple.
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