dimanche 3 novembre 2019

8 générations d'Athéniens


Dans la petite boutique du bazar d’Athènes, sur une large table de bois polie par les ans, s’étalent des gravures anciennes de cartes géographiques. Dans la pénombre, des tableaux classiques ornent aussi les murs du magasin. On y voit des scènes du début 19ème siècle illustrant la cité et ses environs. L’Acropole et le Parthénon dominant une vaste vallée au décor pastoral. Au premier plan un berger appuyé sur son bâton et quelques moutons éparses. En perspectives, au pied de l’Acropole, des maisons formant un gros bourg donnent au paysage la touche contemporaine de l’époque où l’artistique l’a dessiné. 
Réaliser que cette représentation n’a qu’un peu plus de 200 ans donne le vertige en la comparant à réalité d’aujourd’hui. Peut-être 5000 habitants à l’époque, 4.5 millions aujourd’hui dans une ville à perte de vue. Seul l’Acropole semble ne pas avoir changé, érigé comme la vigie millénaire de la formidable frise chronologique de ces lieux berceau de nos racines Européennes.

Au fond de l’échoppe, une petite dame toute grise nous observe du coin de l’œil. Derrière sa paire de lunettes à double foyers, elle semble faire partie du décor. Gardienne de son petit temple séculaire, comme si ici le temps s’était arrêté à une époque où la pression démographique n’avait pas encore bouleversé les grands équilibres planétaires.

La carte de l’Europe datée de 1782 posée sur le table est une merveille. Malgré quelques imprécisions, les proportions sont là. Les villes principales aussi, ainsi que quelques grandes artères de communication – les fleuves bien-sûr – mais aussi de fines lignes noires représentant les routes importantes, probables ancêtres de celles où nous circulons de nos jours. Magique de la regarder à la loupe pour tenter d’en percer les secrets, et d’imaginer le monde d’alors où la terre n’était peuplée que d’un peu moins de 800 millions d’humains. Dix fois moins qu’aujourd’hui. Un monde où les voyages prenaient des années, où les informations diffusaient à la vitesse de la marche des chevaux et des hommes.

Machinalement je saisis mon smartphone pour consulter un message instantané qui arrive. A l’intérieur quelques centaines de photos du monde actuel. J’en ouvre une, offrant une vue panoramique d’Athènes, pour la comparer à l’illustration sur le mur.
200 ans séparent ces images, illustration du mouvement exponentiel de transformation du monde. 
En seulement 8 générations, les Hommes ont façonné leur environnement plus vite qu’il ne l’avait jamais fait auparavant, et sans aucun doute bien d’avantage qu’ils ne l’avaient imaginé.

A ce train d’enfer, qu’en sera-t-il en 2219 ?



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