Houston
sous les orages. Trafic congestionné par des trombes d'eau sous un ciel chargé
de lourds nuages anthracites régulièrement zébrés d'éclairs spectaculaires.
Ambiance électrique sur les avenues
détrempées, magnifiées par les reflets multicolores des enseignes lumineuses
mêlés aux éclairages des voitures. Aux carrefours, les feux tricolores
suspendus à de longs câbles se balancent sous les rafales. Et devant les
innombrables restaurants "drive-in", des files de voitures attendent
leur tour. Il est 7h30 du matin. Nous allons rejoindre notre rendez-vous pour
conclure les discussions de la veille autour d'un petit déjeuner dans un
restaurant Tex-Mex.
Au détour
d'une rue, débouchant de je ne sais où, un gros pick-up manque de nous
emboutir. Gregg pile dans un crissement de pneus avant de s'excuser de ne pas
avoir klaxonné. Et d'ajouter :
- Tu
comprends, nous sommes au Texas.
- Et alors
?
- Et bien
ici ils ont la gâchette facile.
Croyant
qu'il plaisante je souris. Mais il poursuit.
- Tu sais,
j'ai été un jour confronté à cela. Un type voulait me doubler et je ne pouvais
pas me rabattre pour le laisser passer. Il est finalement parvenu à ma hauteur,
très énervé, et a sorti un flingue.
- Il t'a
tiré dessus ?
- Non,
juste menacé avant de me coller au train. Du coup, je n'ai pas osé rentrer
chez moi. Un peu en panique je me suis alors mis à rouler au hasard.
- Et ça
c'est terminé comment ?
- J'ai
appelé les flics avec mon téléphone cellulaire, et lorsqu'un gyrophare est apparu
dans mes rétros, le type s'est évanoui dans la circulation.
- Non mais
c'est dingue !
- Oui t'as
raison, mais ici au Texas chacun peut porter un flingue. Alors tu comprends,
inutile de faire de la provocation.
- Et toi tu
portes une arme ?
- Non.
- Et vous
faites comment dans l'entreprise ?
- Et bien
les employés doivent les laisser à l'entrée, dans leur voiture.
Devant mon
air quelque peu effaré, Gregg m'explique que cela fait partie de la constitution
et qu'il s'agit d'un droit inaliénable auquel la plupart des américains
tiennent beaucoup, sauf peut-être quelques privilégiés.
- Comment ça
privilégiés ?
- Ben oui,
ceux qui bénéficient de protections, de gardes du corps, ou qui vivent dans les
beaux quartiers sécurisés. Mais tu comprends, pour les autres...
- Mais
alors toi ?
- Je me
considère comme un privilégié.
Il pleut de plus bel et le trafic
ne s'arrange pas. Devant nous, une voiture change brusquement de file sans
prévenir avant donner un coup de frein brutal. Gregg esquive avec brio.
Derrière les voitures s'entassent dans un nouveau crissement de pneus. Mais pas
un coup de klaxon.
Et je souris en ne pouvant m'empêcher de penser que la
dissuasion a parfois du bon.
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