jeudi 30 mars 2017

Dissuasion...



Houston sous les orages. Trafic congestionné par des trombes d'eau sous un ciel chargé de lourds nuages anthracites régulièrement zébrés d'éclairs spectaculaires. Ambiance électrique  sur les avenues détrempées, magnifiées par les reflets multicolores des enseignes lumineuses mêlés aux éclairages des voitures. Aux carrefours, les feux tricolores suspendus à de longs câbles se balancent sous les rafales. Et devant les innombrables restaurants "drive-in", des files de voitures attendent leur tour. Il est 7h30 du matin. Nous allons rejoindre notre rendez-vous pour conclure les discussions de la veille autour d'un petit déjeuner dans un restaurant Tex-Mex.
Au détour d'une rue, débouchant de je ne sais où, un gros pick-up manque de nous emboutir. Gregg pile dans un crissement de pneus avant de s'excuser de ne pas avoir klaxonné. Et d'ajouter :
- Tu comprends, nous sommes au Texas.
- Et alors ?
- Et bien ici ils ont la gâchette facile.
Croyant qu'il plaisante je souris. Mais il poursuit.
- Tu sais, j'ai été un jour confronté à cela. Un type voulait me doubler et je ne pouvais pas me rabattre pour le laisser passer. Il est finalement parvenu à ma hauteur, très énervé, et a sorti un flingue.
- Il t'a tiré dessus ?
- Non, juste menacé avant de me coller au train. Du coup, je n'ai pas osé rentrer chez moi. Un peu en panique je me suis alors mis à rouler au hasard.
- Et ça c'est terminé comment ?
- J'ai appelé les flics avec mon téléphone cellulaire, et lorsqu'un gyrophare est apparu dans mes rétros, le type s'est évanoui dans la circulation.
- Non mais c'est dingue !
- Oui t'as raison, mais ici au Texas chacun peut porter un flingue. Alors tu comprends, inutile de faire de la provocation.
- Et toi tu portes une arme ?
- Non.
- Et vous faites comment dans l'entreprise ?
- Et bien les employés doivent les laisser à l'entrée, dans leur voiture.

Devant mon air quelque peu effaré, Gregg m'explique que cela fait partie de la constitution et qu'il s'agit d'un droit inaliénable auquel la plupart des américains tiennent beaucoup, sauf peut-être quelques privilégiés.
- Comment ça privilégiés ?
- Ben oui, ceux qui bénéficient de protections, de gardes du corps, ou qui vivent dans les beaux quartiers sécurisés. Mais tu comprends, pour les autres...
- Mais alors toi ?
- Je me considère comme un privilégié.

Il pleut de plus bel et le trafic ne s'arrange pas. Devant nous, une voiture change brusquement de file sans prévenir avant donner un coup de frein brutal. Gregg esquive avec brio. Derrière les voitures s'entassent dans un nouveau crissement de pneus. Mais pas un coup de klaxon. 
Et je souris en ne pouvant m'empêcher de penser que la dissuasion a parfois du bon.


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