Pour un Européen de l’Ouest, d’avantage
encore pour un latin, en Russie le contact avec les vendeuses dans les magasins
est assez déconcertant. On s’attend à se faire accueillir comme aux Nouvelles
Galeries, avec un minimum d’égard, un sourire peut-être, mais rien de tout
cela. Au contraire s’installe une froide distance avec le client, comme s’il
gênait. Et plus on fait l’effort du contact « commercial », plus la
distance se crée. Etrange situation dont j’ai découvert, grâce à notre guide
Héléna (voir chronique précédente), quelques fossiles d’une époque révolue dont
les derniers spécimens sévissent encore. Il s’agit des « dames
sévères », espèces en cours d’extinction ayant prospéré pendant la période
soviétique où le milieu était particulièrement favorable.
Resituons le contexte de l’époque :
nous sommes en URSS où la population subit de fortes restrictions sur un grand
nombre de produits de première nécessité. Pour se les procurer, les consommateurs devaient faire la queue
pendant des heures devant les magasins. Les gens de ma génération ont tous vus
ces images des années 70-80. Ils avaient alors le temps de désirer vraiment, avant
de les acheter (peut-être), les produits recherchés en espérant qu’il y en reste.
Et au bout de la queue, il y avait le plus souvent une dame qui octroyait paires de
chaussures 37 tant attendues ou boites de fruits au sirop. En
réalité ces "dames sévères" n’étaient pas là pour vendre comme nous l’entendons
dans une économie de marché où l’offre pléthorique oblige à toutes les astuces commerciales. Elles représentaient juste le dernier maillon du système d’économie planifiée,
celles qui attribuaient, telles des gardes chiourmes, les denrées disponibles au peuple de prolétaires, rôle qu’elles assumaient sans joie comme des
dames pipi.
Déjà presqu'un quart de siècle que le
système communiste s’est effondré. Les temps changent, mais le croisement de
générations produit encore de tenaces stéréotypes.
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