jeudi 15 octobre 2009

Un certain goût d'Amérique


6 pistes, 7 terminaux, plus de 150 vols par heure, 230 passagers à la minute ! Entrer aux USA par l’aéroport international Hartsfield-Jakson d’Atlanta vous met tout de suite dans l’ambiance américaine. Ici tout est à une autre échelle.
Et ce qui frappe en premier en débarquant ici, ce sont tous ces « fat boys and ladies » marchant avec difficulté tels des morses sur les rochers au bord de l’océan. Dans le train automatique nous emmenant au terminal de sortie, face à moi un jeune couple essoufflé se tiennent la main. Lui, 1,85 m pour 150 kg. Sous une casquette de base-ball, le menton noyé dans un cou de pélican il porte une large chemise Hawaïenne couvrant un corps énorme en forme de barrique. Elle, 1,60 m et certainement plus du quintal. Corps difforme au sommet duquel, sur une touffe de cheveux blonds filasses et vaguement ondulés est plantée une orchidée. Chaussés de tongs, portant des lunettes de soleil, de toute évidence ils arrivent de vacances dans le Pacifique, pathétiques, perdus dans ces corps devenus gênants et inconfortables. Comment peuvent-ils trouver ensemble du plaisir physique ? Vont-ils pouvoir faire des enfants ? Je les plaints tout en culpabilisant sur le caractère discriminatoire de ma réflexion. Mais non, ce n'est pas ça du tout. Nous n'avons pas ici à faire à des exceptions se battant contre leur en bon point, ou, bien dans leur peau, l'assument parfaitement avec élégance, et montrées du doigt avec intolérance, mais à un vrai problème de santé public où une société entière se laisse dériver, victimes abandonnées aux effets ravageurs de cette « junk food » bon marché où le prix dérisoire de la super calorie industrielle a su générer des addictions dévastatrices ayant fait la fortune d’une certaine industrie agro-alimentaire. Pourquoi se priver, quand, pour satisfaire une petite faim, l’on vous propose le sachet de frites XXL pour le même prix que le format normal si vous en prenez deux ?
En fait ici tout est disproportionné : les hamburgers, les soft drinks pour faire passer, les gens qui les consomment, les voitures pour les transporter, les trucks, les autoroutes…



Attendant un collègue de travail qui doit arriver par l’autre coté du globe - de Thaïlande via le Japon - je m’installe à un café au terminal T. A peine assis, une jeune fille souriante et boulotte de type « Latinos » se précipite pour me proposer la carte des consommations, tout en précisant bien qu’à cette heure-ci on ne sert plus d’alcool. L’autre jour à Chicago, on m’avait demandé sans rire une pièce d’identité pour vérifier que j’avais bien plus de 18 ans avant de me servir une bière… Règlement stupide sorti de l’imagination puritaine de quelques élus conservateurs voulant donner bonne conscience à un certaine Amérique !

Sirotant un Coca light sans glace, je regarde distraitement, sans rien y comprendre, une partie de base ball à la TV tout en écoutant les commentaires de mes voisins de table sur les efforts du Président Obama pour réformer le système de couverture sociale. Des gens à priori tous simples s’indignant sur le fait que « ce nègre » de Président puisse imaginer empiéter sur leurs libertés individuelles. Et d’ajouter :
- En plus, maintenant, avec son prix Nobel pas mérité, il ne pourra même plus faire valoir la puissance de l’Amérique !
Cette haine raciste de l’Amérique profonde me fait froid sans le dos.

David me rejoint et nous prenons le bus vers Chattanooga, Tennessee.
70 miles/h au cruise control sur la large interstates 75 Nord à 5 voies. Il est déjà plus de 23h et nous roulons dans un flot ininterrompu de voitures, essentiellement de gros pick-up et autres SUV, la radio diffusant de l’excellent rock country. « Sur la route de Menphis… », comme dit la chanson, nous nous laissons bercer par le ronron agréable du gros V8 essence.
La cinquantaine bien mise, brushing blond ondulé, moustache taillée au millimètre et ventre débordant largement sur la ceinture, Ken, le chauffeur très sympa est un bavard aux petits oignons pour ses passagers, s’inquiétant sincèrement de notre confort et tout étonné que nous puissions venir de deux bouts du monde vers Chattanooga pour faire du business de poulet. Il en rigole peut-être encore.
Il est plus de minuit et demi lorsque nous arrivons à l’hôtel « Choo Choo », ancienne gare au milieu de laquelle trône encore une magnifique locomotive à vapeur, de celles régulièrement attaquées par les bandits dans les westerns. Très avenant, Ken nous porte les sacs jusqu’au comptoir d’accueil où 2 femmes hors d’âges nous accueillent chaleureusement un verre géant de soda glacé à la main. Ici le service n’est pas un vain mot. Il faut dire qu’il est pécuniairement récompensé par des « tips » systématiques. Ca aide.



Tandis que j’attends mon rendez-vous après un copieux petit déjeuner hyper énergétique et protéique : œufs, bacon, pommes de terre, fruits frais, thé, gaufre au sirop d’érable… à ce rythme j’en tiens au moins pour la journée, un vieil homme m’aborde spontanément :
- Bonjour jeune homme, comment ça va ce matin ?
- Très bien Monsieur, merci !
- J’m’appelle Bill et c’est bien toi que j’ai vu courir de matin ?
- En effet comme tous les jours.
- Alors t’es en pleine forme.
- Oui, j'crois…
Et le voilà parti qui me raconte sa vie : 73 ans, Marié à Marta depuis 50 ans cette année, mécanicien des chemins de fer retraité après avoir été militaire pour un temps, originaire de l’Oklahoma et visiblement heureux d’être là pour visiter sa fille. Puis d’ajouter :
- Les temps sont durs n’est-ce pas ?
- J’acquiesce juste d’un signe de tête.
- Mais nous allons r’partir comme à l’époque de mon père après la grande crise de 29 !
Le meilleur côté de l’Amérique ce Bill : gentillesse, spontanéité et optimisme indéfectible.

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