vendredi 5 septembre 2025
Rallye
La pluie tombe depuis l’aube, lourde, insistante, comme si le ciel avait décidé de gâcher cette journée. Les gouttes s’écrasent sur la carrosserie bariolée de bleu, blanc, rouge de la sympathique Citroën Visa Chrono qui, plantée sur la ligne de départ, semble pourtant frissonner d’impatience telle une petite voiture de circuit 24. Rareté mécanique des années 80, 90 chevaux pour 800 kilos, elle est notre monture pour ce rallye de navigation et régularité réservé aux voitures anciennes, idéalement sportives.
À bord, cette odeur unique de plastique, moquette et hydrocarbure des vieilles autos, comme une madeleine de Proust. Les sièges baquets nous rappellent que ce rallye n’est pas seulement une promenade. Il va y avoir du sport et nous sommes là pour ça. À mes côtés, Vanessa, ma navigatrice pour son premier rallye. Ses yeux brillent d’un mélange de trac et d’excitation. Elle serre le road-book. Dans une minute, il deviendra notre boussole.
Trois, deux, un – le compte à rebours comme un battement de cœur – go ! La Visa s’élance sur l’asphalte mouillé tandis que les essuie-glaces fouettent le pare-brise. Vanessa égrène les cases d’une voix claire. Chaque indication est une pulsation qui guide mes mains sur le volant. Le monde extérieur n’existe plus : il n’y a que la route, détrempée, la voix de ma navigatrice, et le fragile équilibre entre vitesse et précision.
La troisième spéciale est une épreuve de funambule. Les vitesses moyennes exigées ne laissent pas de répit. Accélérer fort, freiner tard, dans le bon rythme. Sur un fil, la voiture glisse dans les courbes au levé de pied et le petit moteur 1300 jubile au rythme du compte tour dans des relances vigoureuses. Au franchissement du panneau rouge de fin de secteur, l’habitacle est saturé de chaleur et de sueur. Nous soufflons un instant, car déjà le pointage nous ramène à la rigueur : une minute pour respirer, puis se reconcentrer pour la suivante.
Neuvième et dernière spéciale, la pluie redouble, la fatigue s’installe. Une erreur de lecture, un carrefour mal négocié, et nous voilà à « jardiner » dans la campagne détrempée. Les minutes s’échappent. Le classement s’éloigne. Rester calmes. Reprendre le fil. Rouler encore.
Puis la tuile : commande de boîte de vitesse qui ne répond plus. Silence dans l’habitacle. Avec l’élan, je range la voiture sur le bas-côté. Diagnostic rapide : biellette cassée. La mécanique a ses caprices. Quelques rilsans et l’espoir renaît. Hors de question d’abandonner : nous repartons.
Les kilomètres suivants comme sur des œufs. Chaque changement de vitesse est une prière. Vanessa garde son cap, je retiens mon souffle. Et puis l’arrivée se profile.
« Au bout de notre vie » nous la franchissons hors délais de quelques minutes.
Dommage, à mi-course nous étions treizièmes au général. Milieu de tableau.
Pas si mal pour cette journée qui fut l’essence même du Rallye.
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