Petite boule au ventre ce matin au moment d’enfourcher la bicyclette. M’attendent 19 km d’ascension, 1400 m de dénivelé avec un pente maxi à 13% et un finish à 11, jusqu’au sommet du Tourmalet perché à plus de 2100 m. Le pinacle du cyclisme pyrénéen hors catégorie !
Aucun doute sur mon mental, je suis déterminé comme jamais et assez confiant après les ascensions précédentes, notamment celle d’hier sur l'Aubisque. Mais la crainte d’une défaillance physique toujours possible au terme de cette intense aventure sportive de 5 jours. Ce serait vraiment dommage.
Allez, ne t’écoute pas trop et vas-y me souffle la petite voix intérieure.
Partir est une délivrance. Le corps se met en mouvement, l’oxygène irrigue le cerveau, et l’esprit se détend.
Encore 10 km d'ascension. Le paysage s’ouvre sur la perspective de super-Barèges à mi-chemin du sommet. A cette heure matinale, encore peu de cyclistes dans cette montée légendaire. J’en dépasse plus que je ne me fais dépasser. Pas la peine d’essayer de s’accrocher. A quoi bon ? Je suis dans mon rythme et ce challenge est uniquement personnel.
En entrant dans Super-Barèges je manque de trébucher sur une pierre que je n’avais pas vue sur la chaussée. Le pneu crisse et la roue avant fait une embardée. Même pas tombé ! Mais je crois voir une déchirure sur l’enveloppe. Merde, j’ai bien une chambre à air mais pas de pneu de rechange. Ce serait vraiment trop bête de devoir s’arrêter pour raison technique. Un peu préoccupé je continue en surveillant le petit morceau de caoutchouc qui s’est arraché. Plus que 5 km de lacets spectaculaires. D’un côté la montagne brute et minérale, de l’autre le vide. La roche brille sous le soleil déjà ardent, donnant au paysage une touche de magie. Sur le revêtement dégradé, des peintures de guerre au nom des champions du Tour de France. Je profite du moment dans une sorte d’euphorie, maintenant certain d’atteindre mon but.
Les 400 derniers mètres à 11% sont comme une sorte de toboggan à l’envers. Pédaler en danseuse tel un forcené jusqu’au panneau d’arrivée pour ne pas repartir en arrière. Poser le pied enfin comme sur une terre promise, lever le nez, et profiter d’une perspective XXL où serpente le ruban d’asphalte, fantasmes de bien des cyclistes. Instant de grâce.
Et de 5 !