samedi 31 mai 2025

5 jours, 5 cols : le Tourmalet


Petite boule au ventre ce matin au moment d’enfourcher la bicyclette. M’attendent 19 km d’ascension, 1400 m de dénivelé avec un pente maxi à 13% et un finish à 11, jusqu’au sommet du Tourmalet perché à plus de 2100 m. Le pinacle du cyclisme pyrénéen hors catégorie ! 

Aucun doute sur mon mental, je suis déterminé comme jamais et assez confiant après les ascensions précédentes, notamment celle d’hier sur l'Aubisque. Mais la crainte d’une défaillance physique toujours possible au terme de cette intense aventure sportive de 5 jours. Ce serait vraiment dommage.
Allez, ne t’écoute pas trop et vas-y me souffle la petite voix intérieure.

Partir est une délivrance. Le corps se met en mouvement, l’oxygène irrigue le cerveau, et l’esprit se détend.
Déjà 7 km jusqu’à Barèges. La sortie du village est rude et je sens une contracture dans le mollet gauche. C’est drôle comme cela prend alors de l’importance. Se relâcher, changer un peu de position, passer en danseuse pour s’étirer. Et ne plus y penser…
Encore 10 km d'ascension. Le paysage s’ouvre sur la perspective de super-Barèges à mi-chemin du sommet. A cette heure matinale, encore peu de cyclistes dans cette montée légendaire. J’en dépasse plus que je ne me fais dépasser. Pas la peine d’essayer de s’accrocher. A quoi bon ? Je suis dans mon rythme et ce challenge est uniquement personnel.
En entrant dans Super-Barèges je manque de trébucher sur une pierre que je n’avais pas vue sur la chaussée. Le pneu crisse et la roue avant fait une embardée. Même pas tombé ! Mais je crois voir une déchirure sur l’enveloppe. Merde, j’ai bien une chambre à air mais pas de pneu de rechange. Ce serait vraiment trop bête de devoir s’arrêter pour raison technique. Un peu préoccupé je continue en surveillant le petit morceau de caoutchouc qui s’est arraché. Plus que 5 km de lacets spectaculaires. D’un côté la montagne brute et minérale, de l’autre le vide. La roche brille sous le soleil déjà ardent, donnant au paysage une touche de magie. Sur le revêtement dégradé, des peintures de guerre au nom des champions du Tour de France. Je profite du moment dans une sorte d’euphorie, maintenant certain d’atteindre mon but.
Les 400 derniers mètres à 11% sont comme une sorte de toboggan à l’envers. Pédaler en danseuse tel un forcené jusqu’au panneau d’arrivée pour ne pas repartir en arrière. Poser le pied enfin comme sur une terre promise, lever le nez, et profiter d’une perspective XXL où serpente le ruban d’asphalte, fantasmes de bien des cyclistes. Instant de grâce.

Et de 5 !

jeudi 29 mai 2025

5 jours, 5 cols : l'Aubisque

 
Petite nuit, perturbée par des songes étranges. L’Aubisque s’annonce comme un sacré morceau : col hors catégorie perché à 1700 m, au terme d’une montée de 16,5 km, 1200 m de dénivelé, et une pente maxi à 13% ! Là se sont écrit quelques pages légendaires de la Grande Boucle. Il va falloir y aller sans peur, et surtout ne pas flancher, ce qui signifie pour moi monter d’une seule traite sans poser le pied à terre.

Déjà 6 km de grimpette à mon rythme, 11-12 km/h, moitié moins que les champions. Mais ça va. Je dépasse quelques grimpeurs solitaires et me fait avaler par un groupe de jeunes cyclistes visiblement très affutés accompagnés d’une voiture d’assistance à la couleur de leurs maillots. Du très sérieux apparemment.

10 km jusqu’au sommet indique le panneau, pour un dénivelé annoncé à 13% sur le prochain km. Pas de surprise, c’était anticipé. Moment de vérité qui a habité mes rêves. Passer la difficulté en gérant l’effort sans se mettre dans le rouge. Car derrière il restera 9 km d’ascension entre 8 et 10%, avec un petit répit à mi-parcours dans le village de Gourette. Je passe en danseuse, essayant de ne pas me contracter. Ma fréquence de rotation est assez faible mais ça passe (bien). J’en suis presque surpris, même si le cardio atteint des sommets. Puis la route reprend une pente plus raisonnable de 8%. Je ne suis pas cramé, retrouve mon rythme normal et un certain bien-être dans la gestion de l’effort. A cet instant je sais que ça va le faire. Plus aucun doute ne m’habite et je profite du moment. Je sais qu’il me reste plus ou moins ¾ d’heure d’engagement. Alors je lève un peu le nez pour profiter du paysage en format XXL. 
Passé Gourette on entre dans le monde minéral à l’état brut. Cimes scintillantes encore partiellement enneigées sur fond de ciel cristallin. Celui des alpinistes et des aviateurs que j’aime temps. Sur mon vélo je suis aussi dans cette dimension
Le dernier km en est presque facile. Le sommet apparaît comme un eldorado ! J’y suis.

Et de 4
!


mercredi 28 mai 2025

5 jours, 5 cols : Le Soulor

 

Depuis Argeles Gazos, un peu plus de 19 km, 1000 m de dénivelé avec une pente maxi annoncée à 11%.

« Arrivée 5 km » indique le petit panneau jaune. Pente à 8,5%. Je suis pas mal. Cardio à 155. Presque « facile ». Devant moi un petit groupe de Hollandais, si j’en crois leurs maillots orange, que je rattrape doucement. Puis au détour d’une courbe à droite, un véritable mur se dresse devant nous. Pas long apparemment, mais raide. Très raide. Chez les Hollandais c’est l’hécatombe. La moitié du groupe met pied à terre. En les voyants je ne peux m’empêcher de penser aux débâcles des Légions Romaines dans Astérix & Obélix.
C’est mon tour. Le Garmin indique 9, puis 10, 11 et 12% pour quelques dizaines de mètres. En danseuse sur le plus petit rapport, je m’arrache comme un damné. A la limite de la rupture je passe le ressaut pour reprendre la pente à 9, puis 8%, laissant les Hollandais à leur agonie. Mais l’organisme l’a payé cher et j’ai du mal à retrouver un peu de bien-être. Comme une sorte de confusion s’installe, entretenue par le cocktail d’hormones et de toxines généré par l’effort.
Une jeune femme en maillot jaune et son compagnon me dépassent avec un mot d’encouragement.
Ne pas mettre pied à terre. Poursuivre l’effort en essayant de retrouver un peu de sérénité. Elle revient doucement.
Plus que 2 km. Je suis maintenant dans une autre dimension, celle où mes molécules se diluent dans la nature. J’essaie de déconnecter mon esprit de ce corps qui pédale. Il est déjà au sommet, me regarde grimper et m’encourage. Ce n’est que de la douleur mais il n’y en a plus pour longtemps.
Le sommet enfin. Au pied du panneau le jeune couple déjà arrivé m’accueille avec un check de la main. Nous prenons un café et un Perrier ensemble. Ils poursuivent vers l’Aubisque. Pour moi ce sera demain si tout se passe bien.
 
Et de 3 !


mardi 27 mai 2025

5 jours, 5 cols : Le Peyresourde

 

Petit moment d’angoisse ce matin en regardant le topo pour l’ascension du Col de Peyresourde depuis Bagnères de Luchon (Ville du Tour de France qui s’affiche partout en grand) : 14 km, 950 m de dénivelé avec une pente maxi à 12%. L’Aspin c’était hier. Un peu moins long, un peu moins pentu, ce n’était pas facile et j’avais l’impression d’avoir donné le maximum. Depuis il y eu une bonne nuit, mais les jambes vont-elles suivre ? Comme un matin d'examen, il me faut passer aux toilettes évacuer le stress accumulé dans le 2ème cerveau… Tu parles, pourtant il n'y a pas d'enjeu... Je roule seul, avec personne pour me juger. Mais bon, j’ai la pression. C’est comme ça. Echouer serait un échec. Je n’ai plus 30 ans et cela arrivera bien un jour. Le plus tard possible, et pas aujourd’hui !
Allez, hardi petit, plus le moment de gamberger, il faut y aller !

Cette fois-ci je pars équipé du Garmin Edge Explore 2 offert par chérie à l'occasion de mon anniversaire. Il affiche tous les paramètres importants pour le cyclisme : vitesses, distances, pente, fréquence de pédalage, fréquence cardiaque, température extérieure, et bien sûr la direction. Avec ça j’ai presque l’impression d’enfourcher un nouveau vélo.

Les premiers kilomètres sont une bonne mise en jambe. Pas de douleur résiduelle d’hier. Je privilégie la fréquence à la puissance. La pente atteint rapidement 7-8% et je passe sur l’avant-dernier développement. Ne me demandez pas le nombre de dents sur les pignons, je n’en ai aucune idée… Devant moi un petit groupe de cyclistes que je dépasse allègrement. Toujours bon pour l’égo. Je n’ose pas leur dire qu’apparemment ils travaillent trop en force.
La montée traverse 2 villages offrant un peu de répit. Quoi que. De courtes séquences de danseuse permettent de relancer en changeant brièvement de position qui soulage les fesses. Ne pas oublier de descendre 2 rapports pour développer en force, puis les remonter en se rasseyant pour retrouver la fréquence.
Moment de doute au 9ème kilomètre. 11% indique l’ordi et il en reste 4… C’est difficile et j’essaie de générer des images positives, souvenir de moments intenses de dépassement personnel. Les frissons arrivent. Ca marche. Petit shot d’adrénaline dans un bain d’endorphine. Je retrouve un certain bien-être.
Plus que 2 km, je suis serein, le sommet n’est plus qu’à 4 épingles. Il ne peut m’échapper.
Dernier kilomètre comme dans un rêve. Je la touche borne heureux, avec la satisfaction de l'objectif atteint.

Et de deux !



lundi 26 mai 2025

5 jours, 5 cols : l'Aspin

Je choisis la montée depuis Arreau, la plus raide : 12,5 km d’ascension, 800 m de dénivelé avec une pente maxi à 9,5%. 
 
Impatient d’en découdre j’enfile mon équipement sans oublier un coupe-vent pour la descente.
Très bonnes sensations sur les premiers kilomètres, vélo parfaitement réglé sur les précieux conseils de Nelly. En l’absence de vent la température est idéale. Là-haut la couverture nuageuse se déchire sur les sommets encore enneigés tandis que je traverse la forêt encore humide. Puis le paysage se dégage sur les prairies d’altitude.
Mi-parcours. L’effort est maintenant soutenu. Cardio à 155, respiration régulière, les jambes travaillent à la bonne fréquence mais je n’ai pas de réserve de puissance. Comment pourrai-je monter à plus de 10% ? C’est idiot, mais le doute s’installe, non pas pour cette ascension, mais pour les prochaines dont certaines seront plus raides. En serai-je capable ?
Encore 4 km. Le sommet apparaît au-dessus des derniers lacets. Pourvu que je ne fasse pas de crampes aux mollets. Mon point faible.
Plus que 2 km. Les endorphines font leur effet, rien ne peut m’arriver.
Dernier km. Au-dessus du col cerclent de grands oiseaux portés par le flux d’air tiède remontant de la vallée. J’imagine leurs regards aiguisés scannant les petits bonshommes la tête dans le guidon
tout à leur effort.
Puis le panneau de la délivrance, « Col d’Aspin, 1489 m ». 
Sur la prairie basculant sur l’autre versant, les vaches broutent avec nonchalance en regardant passer les cyclistes.

Et de un !



dimanche 25 mai 2025

5 jours, 5 cols ! Préambule.

Objectif 5 cols mythiques du Tour de France à vélo en 5 jours. Pour tourner la page d’une période un peu compliquée suite à un accident de santé, et en exorciser les effets pour la trajectoire des 100%. 
Ceux qui me lisent régulièrement comprendrons immédiatement. Pour les autres, rien moins que l’objectif d’atteindre 100 ans en bonne santé, puis mourir le jour d’après… Y’a pas de mal à se fixer de grands objectifs dans la vie – pourvu qu’elle soit longue et belle – et ne pas en gaspiller une miette.
Me voilà donc embarqué pour ce défi gratuit.

Dans notre fabuleux Gemini, tout ce qu’il faut pour tenir une petite semaine en autonomie, le vélo de route et les équipements adéquates, quelques bons livres, et bien sûr le matériel de communication pour partager cette échappée belle avec vous. Pourvu qu’elle le soit…
Donc plein sud vers les Pyrénées. 

Le ronron du moteur est celui du grand large. Je roule cool, vers Bagnères-de-Bigorre avec pour destination finale le Col d’Aspin, premier sur ma liste.

Pile dans l’axe de l’autoroute d’Aquitaine apparait la ligne de crêtes des Pyrénées et son magnétisme à l’irrésistible force d’attraction. Les sommets encore enneigés surplombés de cumulus joufflus coiffent la chaîne montagneuse qui s’étale sur toute la ligne d’horizon. Comment ne pas y aller voir ?
Par les départementales sinueuses on pénètre dans l’imposant massif. Villages de montagne comme hors du temps où les petits vieux endimanchés – cravate et bérets pour les Messieurs à la peau tannée, châles sur les épaules et mis en plis pour les dames aux cheveux blancs, tricots en main – papotent sur des bancs de pierre en profitant des doux rayons du soleil de fin d’après-midi.
Puis la route étroite et sinueuse s’élève vers le col où je vais dormir ce soir, là où, allez savoir pourquoi, personne ne reste pour la nuit alors que les perspectives vous embarquent dans la 3ème dimension, celle des aviateurs, entre le bleu intense d’un ciel cristallin, la lumière crue du soleil, et les brumes d’altitude.

Demain je tente l’ascension à vélo. Rien ne sera pareil…