La visite du Clos Lucé, à Amboise, nous plonge dans le monde extraordinaire de Léonard de Vinci.
Imaginez un esprit qui, au lieu de fonctionner en ligne droite, fait des loopings, des vrilles, des ricochets. Tandis que nous essayons d’avoir des tiroirs bien rangés – les maths ici, l’art là, les recettes de cuisine ailleurs – Léonard semblait disposer d’un seul et immense espace décloisonné, où la peinture discutait avec l’anatomie, la mécanique et les oiseaux.
Avait-il aussi une faculté extra-temporelle ? Tandis que Florence dessinait des madones, lui disséquait des cadavres pour comprendre le sourire de Mona Lisa. Et pendant que d’autres peignaient des batailles, lui rêvait de machines volantes, de sous-marins et de ponts mobiles. C’est comme si chaque idée le conduisait à une autre, sans véritable hiérarchie. Un vol d’oiseaux l’inspirait autant qu’un traité d’Euclide. Il notait, dessinait, questionnait. Dans ses étonnants carnets, les équations côtoient les croquis, les réflexions sur le débit de l’Arno, et des fulgurances poétiques : « Le mouvement de l’eau ressemble à celui des cheveux » ou encore, « Une fois que tu auras goûté au vol, tu marcheras à jamais sur terre les yeux tournés vers le ciel. »
Sa singularité tenait aussi sans aucun doute à son insatiable curiosité. Il ne voulait pas seulement savoir comment les choses fonctionnaient, mais pourquoi elles étaient belles. Pour lui, l’art et la science se confondaient et devaient révéler les lois secrètes de la marche de la nature et du monde.
Léonard vivait dans une sorte de bouillonnement intellectuel, préférant sans doute la question à la réponse, non par distraction, mais par enthousiasme. Contraste saisissant entre l’attention aux moindres détails de ces tableaux, chef-d ’œuvres magistraux, et ses carnets presque brouillons griffonnés frénétiquement dans son écriture à l'envers, histoire d'y ajouter une touche de mystère et de fantaisie.
Dans la tête de Léonard, chaque idée était une promesse. Aurait-il croisé Jules Verne dans un autre espace-temps que leur rencontre eut produit non seulement l’extraordinaire, ils en étaient coutumiers, mais peut-être le surnaturel.
Quittant le Clos Lucé, nous déambulons dans les ruelles d’Amboise. A quelle époque sommes-nous déjà ?