mercredi 16 août 2017

Le nez au vent : chapitre 5



Vue d’une carte routière, la Camargue n’a à priori rien de très attirant, petite zone marécageuse bordée d’autoroutes où le delta du Rhône se dilue dans la Méditerranée. Mais il y a aussi un bout du monde, Les Saintes Marie de la Mer, ville mythique des gitans qui s’y retrouvent annuellement pour fêter Sara, leur Sainte patronne. Alors, toujours le nez au vent, et un peu gitans dans l’âme, nous nous sommes dit qu’en restant dans le thème un petit crochet s’imposait. Et nous n’avons pas été déçus.

Passée la désagréable zone portuaire industrielle du port autonome de Marseille baignée dans les vapeurs d’hydrocarbures, on emprunte le bac de port Saint Louis du Rhône pour totalement changer de monde.
Prendre un bac ou un Ferry est toujours un appel au voyage, la promesse de découvertes souvent inattendues, à tel point que les hommes en ont protégé l’accès par l’absence de pont synonyme de passage de masse. Et le nom même « Port Saint Louis » ajoute encore à l’endroit une irrésistible touche d’exotisme, peut-être un lien subliminal avec Saint du Louis du Sénégal, autre ville portuaire où tant de voyageurs au long cours se sont posés où ont accostés.
La traversée ne dure que quelques minutes, juste le temps de quelques brasses, cheveux aux vents sur le pont du bateau. Puis l’on aborde la Camargue sans plus de transition. Le contraste est tel avec l’autre rive, que le dépaysement est total et instantané. Les petits routins nous emmènent d’un étang à l’autre, tous plus étincelants sous le ciel immaculé du grand Sud. Les berges de sel cristallisé semblent comme saupoudrés d’une fine couche de neige, pareille à celle de certaines zones désertiques du Sahara. Plus loin, d’élégants flamants roses semblent comme posés là pour le décor. Il n’a y plus qu’à s’arrêter pour contempler cette nature sauvage encore vierge.

Sous le charme nous repartons flâner le long de petites routes bordées de roseaux. Des enclos aux petits chevaux gris succèdent à ceux de taureaux aux cornes impressionnantes, tous identiques, bêtes sélectionnées depuis des générations pour les courses Camarguaises et la corrida. Et l’on apprécie mieux, en les observant de plus près, le courage des hommes qui leur feront face.
En approchant des Saintes Marie, des gardians tels des cow-boys sur leurs chevaux vaquent à leurs activités agricoles traditionnelles, communion de l’homme avec cette nature unique où l’animal reste le meilleur moyen de déplacement.
On s’arrête déjeuner, servis pour une femme altière et sympathique aux allures de gitane, visage émacié à la peau brune éclairé par des « yeux révolver » noirs sous une longue chevelure attachée dans un faux désordre.
Puis nous rejoignons les Saintes Marie. Immanquable visite de l’Eglise où se sont développées nombre de légendes religieuses soigneusement entretenues depuis des siècles, pour motiver la ferveur des fidèles et impressionner le voyageur de passage qui saura les colporter.

La journée s’étire et nous devons poursuivre notre route toujours le nez au vent.
Quelques kilomètres plus loin, un autre bac permet de franchir le bras du petit Rhône et refermer cette parenthèse inattendue.


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