lundi 29 avril 2024

Délivrance

Partir est une délivrance. Enfourcher nos machines, laisser dernière soi l’appréhension du départ pour « s’envoler » vers des horizons pleins de promesses, seulement guidé par ses envies d’ailleurs.

Allez savoir pourquoi les points cardinaux génèrent ce magnétisme qui attire tant les voyageurs ? Le Grand-Sud peut-être plus que les autres. Les tropiques bien sûr, le désert, l’Afrique dans son extraordinaire diversité, exotisme illustré dans notre imaginaire par les images d’Épinal de l’époque coloniale où « nous » étions convaincus de faire œuvre civilisatrice de contrées inconnues. Fallait-il que « nous » soyons suffisants pour ne pas en douter ! Autres temps, certes.  Mais quelle eut été notre vision au milieu du siècle dernier ?

La grande fresque de notre histoire est heureusement pleine de remises en question à postériori. Comment, à l’aube du 22ème siècle, sera interprété le tourisme tel que nous le pratiquons aujourd’hui ? Certains s’insurgent déjà des impacts environnementaux de tous ces déplacements « inutiles ». D’aucuns diront par facilité. Celle de rester chez soi plutôt que se confronter au monde tel qu’il est. Peut-être. Peut-être pas…

Bien sûr que ces voyages ne sont pas indispensables. Mais découvrir le monde à travers les petits écrans n’a pas du tout la même valeur que de s’y frotter vraiment. Une expérience réelle est irremplaçable. N’est-ce pas l’essence même de l’existence que de confronter la sienne à celle des autres pour tenter d’en comprendre les ressorts.

Plein sud sur le plateau Ibérique. Nous roulons à vive allure entre des gros grains, éphémères cascades s’écoulant d’énormes cumulus noirs, caprices d’une météo de saison, étape indispensable pour rejoindre le continent Africain par voie terrestre.

Demain nous devrions embarquer à Gibraltar, à moins que la belle Cadix ne nous retienne pour une nuit…

 

 

lundi 22 avril 2024

La Route de l'Aéropostale, J-6

C’est toujours pareil au moment de partir à l’aventure. Les choses se bousculent, tandis qu’arrive en sourdine la désagréable petite voix de toutes les bonnes excuses pour ne pas partir : contraintes professionnelles, personnelles, état physique, risques corporels ou géopolitiques… Bref, tout ce qui nous fait sortir de notre zone de confort pour des terres inconnues.

Heureusement, la raison, ou est-ce la déraison ? finit par l’emporter à l’aune de l’indispensable détermination nécessaire à un telle entreprise. Car c’est de cela dont il s’agit. Faire l'effort de sortir de son monde pour parcourir le vaste monde et en découvrir, en vrai, les beautés insoupçonnées.

Il s’agit alors de se raccrocher au rationnel. La préparation ! Réviser ses check-lists pour être sûr de ne rien oublier, tout en n’emportant que le minimum. Car, quel que soit le voyage, poids et encombrement sont les ennemis. Plus encore quand il s’agit de partir à moto par les chemins de traverse. Ne rien oublier, mais ne prendre que le nécessaire. Plus exactement l’indispensable pour ne pas s’embarrasser, mais sans devoir regretter le truc qui évite la galère. Et le reste suivra, au grès des rencontres et des lieux inattendus. Tout ce que nous recherchons et ne manquerons pas de partager avec vous.

Didier et moi y sommes presque. Nous décollons dimanche sur nos vénérables BMW 1200 GS de 2004 et 2006. Monter sur nos machines sera une délivrance.

 

 

vendredi 12 avril 2024

Au bon endroit au bon moment !

     

Mesdames et Messieurs, la durée de notre vol jusqu’à Dallas sera de 9 heures et 40 minutes, et nous devrions arriver au moment de l’éclipse solaire.

Mince ! Si j’avais réalisé, je serais parti un jour plus tôt pour profiter pleinement de ce phénomène naturel exceptionnel. Observer une éclipse totale du soleil est de ces évènements rares ponctuant une vie.

La route de l’Atlantique Nord projette le 787 vers le Groenland et ses étendues glacées, avant de redescendre vers le golfe du Mexique. Au-dessus de l’océan les cumulus dessinent des moutons clairsemés dont les ombres se projettent comme sur une pairie indigo. Puis en arrivant sur les terres américaines la couche nuageuse se referme, recouvrant « La Terre des Hommes » de son immensité immaculée. Vraiment pas de chance, au sol ils ne pourront pas profiter du spectacle.

Il est 13h quand nous amorçons la descente vers Dallas. L’appareil vire doucement à gauche. Tels des lasers, les rayons du soleil strient la cabine de leur lumière inhabituellement dorée pour la mi-journée. Protégé par 2 paires de lunettes de soleil, je jette un œil à travers le hublot. Déjà l’astre du jour est légèrement occulté par un quartier de lune.

Nous nous enfonçons dans la couche vaporeuse légèrement turbulente. Sortie des volets et du train d’atterrissage. L’appareil devient moins agréable. Et tandis que la lumière décline maintenant rapidement, nous posons dans une atmosphère crépusculaire. Au roulage l’aéroport s’allume de mille feux. 13h30, l’appareil rejoint son point de stationnement. Il fait quasiment nuit.

Je suis à l’avant et sorts rapidement. Etrange impression confirmée par l’excitation des passagers quelque peu perturbés par le phénomène. Inédit pour la plupart d’entre eux.

La passerelle mobile aboutit à un large couloir vitré orienté plein sud sur les pistes. Tous feux allumés, le ballet des avions continue comme si de rien n’était. Machinalement je lève les yeux au ciel comme je le fais à la maison à travers la bais vitrée de la mezzanine pour ne jamais manquer les étoiles lors de mes sorties nocturnes vers le lieu d’aisance…

A la seconde même, une trouée dans la couche nuageuse laisse apparaître le flash du premier rayon de soleil après le transit de la lune devant notre étoile, tandis que sa couronne brille telle une chevelure dorée autour du disque noir. Est-ce bien réel ? Je saisis mon appareil photo, le colle sur le vitrage, zoom un peu au hasard, et lance une rafale de photos en m’exclamant d’émerveillement. Quelques passagers se précipitent pour profiter du spectacle, mais déjà le rideau se referme.

Quel coup de chance extraordinaire !

Ai-je bien vu ce que j’ai vu ?

Le cœur battant j’ouvre la galerie d’image de mon smartphone et les fais défiler. La plupart sont floues, sauf une. Je la grossis, la recadre une peu, elle est juste parfaite. Instantané d’un instant rare et éphémère, le mardi 9 avril 2024 vers 13h40 à Dallas. La prochaine fois en France, ce sera le 3 septembre 2081. Pas sûr d’être là.

 

 

 

mercredi 3 avril 2024

J - 23

 

Dans 3 semaines départ pour un grand road-trip sur les traces de l’aéropostale vers Dakar, par voie terrestre, à moto.

Traverser l’Espagne d’une traite pour rejoindre rapidement Gibraltar puis le continent africain à Tanger, avant de « prendre son temps » jusqu’à St Louis du Sénégal puis Dakar : route légendaire des aviateurs, partis de Toulouse, entre le Sahara et l’Atlantique.

Casablanca, Essaouira, Agadir après les derniers contreforts de l’Atlas venant mourir sur l’océan, puis le Sahara Occidental, immense : Cap Juby, escale des pilotes où Saint-Ex, touché par la grâce écrivit le magnifique « Courrier Sud » et eu l’idée du « Petit Prince », Laâyoune, Dakhla jusqu’à Nouadhibou (anciennement Port Etienne), autre escale de Mermoz, Guillaumet et les autres, quand épuisés, au terme d’improbables vols soumis aux caprices d’une météo changeante et imprédictible, ils y posaient miraculeusement les roues de leurs avions à bout de souffle.  

Nouadhibou, d’où l’on entre en Mauritanie par la N2.  D’où l’on peut aussi s’envoler vers la houle dorée du grand Erg Occidental et s’enfoncer dans le plus vaste désert du monde à l’origine de tant d’aventures ancrées dans notre inconscient collectif comme les plus belles. De celles des navigateurs au long cours. Fascination de ces immensités de solitude dans une nature à l’état brute.

De là commencera la seconde partie du voyage depuis le Banc d’Arguin, vers peut-être Chinguetti, lieu mythique de la culture arabo-musulmane avec sa bibliothèque millénaire tentant de survivre à l’inexorable avancée du grand erg et à l'oubli des Hommes.

Puis la descente vers Nouakchott pour rejoindre Saint-Louis à la frontière du Sénégal et arriver, enfin, à Dakar.

6000 km vers le Sud qu’il faudra refaire en sens inverse pour revenir à la maison, faute de ne plus pouvoir remonter par les zones de non droit du nord du Mali ou du Niger.

Départ dans 23 jours !

 

samedi 16 mars 2024

"La fête est dans mon coeur. Nous allons de l'avant avec le PCC"

Même si, pour les citoyens des principaux pays Européens, plus aucun visa n’est nécessaire pour voyager en Chine, nous ne sommes que quelques rares à débarquer à Canton ce début de semaine. Moins de dix selon mon décompte rapide. Et aucun touriste. Peut-être pas la saison, mais tout de même.

Cela me rappelle mes premières missions « pionnières » vers l’Empire du Milieu au tout début des année 90, quand les sièges rouges et bleus du beau Boeing 747 d’Air France n’étaient occupés qu’à la moitié par de rares hommes d’affaires débarquant dans le vieil aéroport au milieu de la campagne pékinoise… Pour nous retrouver au même hôtel de style postcolonial dont le nom m’a échappé, non loin d’un théâtre classique dans les vieux quartiers de la capitale.

Puis ce fut la frénésie des 30 glorieuses chinoises et la transformation du pays à marche forcée : villes nouvelles, industries de toutes sortes, aéroports géants, infrastructures routières, lignes de train à grande vitesse et leurs gares XXL, spatial, biotech, mobilité électrique. Jusqu’à ce mois de Novembre 2019 et le cas de Covid à Wuhan.

A l’étonnement général, du jour au lendemain le pays se ferme et entre confinement. Tout s’arrête brutalement. Incompréhensible sauf à intégrer qu’il s’agit bien d’un accident de laboratoire très sérieux. Ce qu’à n’en pas douter savaient les autorités Chinoises et les a fait paniquer. Le temps de réaliser, et « le reste du monde » entre aussi en confinement. Période inédite dans l’histoire de l’humanité, où presque partout chacun reste à la maison en attendant les consignes des autorités pour raisons sanitaires.

Les gouvernements, particulièrement occidentaux, intègrent rapidement le risque économique, engageant des politiques volontaristes du « quoi qu’il en coûte » pour sauver les entreprises qui, sans que personne ne l’ait vraiment anticipé, et même imaginé, se trouvent à manquer de « tout ». Et l’on découvre notre dépendance à l’usine du monde…

Dans le monde occidental, succède à la sidération, pour des raisons de souveraineté, une politique volontariste de réindustrialisation.

Patatras en Chine dont l’économie s’effondre pour ne pas redémarrer post-covid. Et c’est tout un modèle qui entre en profonde récession. Le gouvernement panique, non plus pour raison sanitaire, mais cette fois-ci politique – les effets du modèle autocratique ne pouvant plus être gommés par la croissance économique – et déploie sous couvert de risque Covid toujours présent, les grands moyens pour contrôler une population déjà groggy à force de tests PCR, confinement qui n’en finissent pas, et d’applications électroniques de traçabilité individuelle. (Dire qu’il y en a qui parlent de dictature pour qualifier nos gouvernements…)

Aujourd’hui un diplômé sur deux ne trouve plus de boulot en Chine. L’an dernier les salaires de la fonction publique pléthorique du pays ont été réduits de 30% ! Vous avez bien lu, trente pourcents. Et la population vieillit rapidement, faute d’une natalité qui, à défaut de confiance dans l’avenir, ne repartira évidemment pas.

Comment tout cela va-t-il évoluer ?

Pendant ce temps, de l’autre côté du monde – notamment chez nous – les populistes font leurs choux gras des insatisfactions du moment, surfant sur les peurs et les antagonismes par des allégations simplistes tournant en caricature les équilibres subtils de nos démocraties.

Aurait-on oublié qu’elles sont l’essence même de notre prospérité et notre sécurité ? Pourtant cela semble faire mouche auprès d’une vaste proportion d’électeurs…

Dans ce contexte Poutine choisit d’attaquer l’Ukraine, pariant sur une victoire éclaire, une Europe atone et une Amérique indifférente. Mais c’est heureusement raté. Et la guerre pour nos libertés, car il s’agit bien de cela, s’installe en Europe, faisant trembler les moins courageux. Echo aux faiblesses et démissions des années 30 qui ont laissé Hitler entrainer le monde dans un conflit global.

Concomitamment l’Amérique se fracture et nous inquiète, menacée par un Trump effrayant auquel elle ne parvient pas à opposer une alternative capable de rassembler ses formidables talents. Heureusement, rien ne semble vouloir encore arrêter son économie florissante.

Et le Moyen-Orient toujours instable devenu une véritable poudrière. Comme si les Hommes de bonne volonté l’avait abandonné aux affres de radicaux de tous bords dans un délire Djihadiste auquel répond une loi du Talion sans discernement…

Attablé dans un petit restaurant en bordure de la nationale d’une ville moyenne de la province du Fuzhian où Shuchen, Fan et moi sommes les seuls clients, dans un boucan d’enfer, je regarde les camions s’arrêter et redémarrer au carrefour du quartier. L’établissement est vide, comme la plupart des autres restaus depuis la grande dépression. Faute de moyens, presque plus personne ne déjeune en ville, entraînant l’effondrement de toute cette économie de proximité.

Mais peut-être suis-en train de vous ennuyer en m’éloignant de la légèreté habituelle de mes chroniques voyageuses ? Désolé si c’est le cas. Mais voyager comme j’ai encore la chance de le faire est un formidable révélateur de l’état du monde. Au long de toutes ces années, j’ai eu le privilège de sillonner ces pays et bien d’autres encore. Et je dois dire que cela devient de plus en plus compliqué et incertain. Nous entrons à l’évidence dans une période instable à hauts risques économiques, sociaux, militaires, où il ne va pas falloir trembler si nous voulons préserver notre mode de vie libre, prospère, en sécurité.

20h30, je viens de passer l’immigration de l’aéroport international de Canton. Très peu de passagers, et sur la ligne « international » (comprenez non-résidents Chinois), car il n’y en avait qu’une d’ouverte sur la dizaine de kiosques, nous étions moins de 10.

Insidieusement la Chine se referme. 

 

mardi 12 mars 2024

Van Life

 

« Van-Life » : bord de mer, soleil, plage, vague magique, chemise à fleurs, cheveux délavés, peau bronzée et « coolitude ». Et bien sûr l’iconique combi VW avec la planche sur le toit ou le côté. L’image est sympa.

Mais avez-vous essayé de conduire un vrai combi ? Je veux dire celui des photos du surfeur californien cool. Mieux encore, l’expérience de voyager loin, avec au fond du "bus" un vrombissement d’enfer au-dessus des roues arrière, toutes fenêtres ouvertes pour la clim’ naturelle - pourvu qu’il fasse beau - mais pas trop chaud quand même. Et dire que certains sont allés avec ce type d’engin jusqu’à Katmandu ou Tamanrasset. Si si, j’en ai vu à Tamanrasset tandis qu’en route vers l’Afrique noires, nous traversions le Sahara en 2 CV en plein mois d’août. Sans doute pas beaucoup mieux en fait. Mais quelle équipée !

-       Tu te fais vieux mon pauvre Fred !

Pas du tout. Avec mon complice Didier nous partons vers Dakar à moto dans moins de 50 jours. Une aventure que nous vous conterons quotidiennement.

Mais pour en revenir à la « Van Life », reconnaissons qu’elle a bien changé. Et franchement, elle n’était pas mieux avant, même si nous étions plus jeunes.

Depuis quelques années, toute une industrie s’est développée pour proposer une multitude de fourgons aménagés avec tout le confort moderne. Petit mais cosy, ces véhicules de loisir rajeunissent le genre en reléguant le camping-car « à papa » au rang de caravane motorisée pour se rendre sur son lieu de villégiature, tous bien rangés en rang d’oignons. Dérivé de petits utilitaires, le van s’emmènent et se garent presque comme une voiture, quasi n’importe où. Et là commence l’aventure : partir un peu au hasard, déambuler vers de belles contrées pour y dénicher quotidiennement le spot de rêve alliant vue imprenable et tranquillité. Avec ce privilège de pouvoir en changer à loisir tout en restant au plus près de la nature. L’autre très belle dimension du véhicule, sa capacité d’emprunter les plus petites voies de circulation et même parfois d’en sortir s’il s’agit d’une version 4x4. Beaucoup moins cher qu’un appartement, certes moins confortable, quoi que, ils offrent l’opportunité du nomadisme, mot magnifique aux connotations multiples : mouvement, liberté, flânerie, aventure, improvisation, optimisation de moyens, pour peu que l’on accepte de sortir de sa zone de confort en cultivant cet art du déplacement en toute liberté, où les petites transgressions de règle parfois rigides édictées par les sédentaires bien-pensants ajoutent ce piquant unique aux voyages.

-        Et le bilan carbone ? Tu as pensé aux impacts pour la planète de ce type de loisir ?

-       Le mouvement c’est la liberté bon sang ! La découverte du monde, sa nature et ses habitants ne se fait pas par procuration. Il faut y aller voir et se rendre compte. Je n’ai pas fait le calcul, mais il n’y a guère de doute qu’en fermant la maison pour partir au large, le mode de vie nomade optimisé au plus juste dans ce petit espace - eau, électricité, chauffage et tous les consommables journaliers - est bien plus chiche qu’à la maison.

Je suis devenu fan du van. Nous avons la chance d’en posséder un au top et venons de faire une exceptionnelle semaine hivernale vers les plus beaux cols des Pyrénées. Pas très loin, mais tout à fait ailleurs.