Même
si, pour les citoyens des principaux pays Européens, plus aucun visa n’est nécessaire
pour voyager en Chine, nous ne sommes que quelques rares à débarquer à Canton
ce début de semaine. Moins de dix selon mon décompte rapide. Et aucun touriste.
Peut-être pas la saison, mais tout de même.
Cela
me rappelle mes premières missions « pionnières » vers l’Empire du Milieu
au tout début des année 90, quand les sièges rouges et bleus du beau Boeing 747
d’Air France n’étaient occupés qu’à la moitié par de rares hommes d’affaires
débarquant dans le vieil aéroport au milieu de la campagne pékinoise… Pour nous
retrouver au même hôtel de style postcolonial dont le nom m’a échappé, non loin
d’un théâtre classique dans les vieux quartiers de la capitale.
Puis
ce fut la frénésie des 30 glorieuses chinoises et la transformation du pays à
marche forcée : villes nouvelles, industries de toutes sortes, aéroports géants,
infrastructures routières, lignes de train à grande vitesse et leurs gares XXL,
spatial, biotech, mobilité électrique. Jusqu’à ce mois de Novembre 2019 et le
cas de Covid à Wuhan.
A
l’étonnement général, du jour au lendemain le pays se ferme et entre confinement.
Tout s’arrête brutalement. Incompréhensible sauf à intégrer qu’il s’agit bien d’un
accident de laboratoire très sérieux. Ce qu’à n’en pas douter savaient les
autorités Chinoises et les a fait paniquer. Le temps de réaliser, et « le
reste du monde » entre aussi en confinement. Période inédite dans l’histoire
de l’humanité, où presque partout chacun reste à la maison en attendant les
consignes des autorités pour raisons sanitaires.
Les
gouvernements, particulièrement occidentaux, intègrent rapidement le risque
économique, engageant des politiques volontaristes du « quoi qu’il en coûte »
pour sauver les entreprises qui, sans que personne ne l’ait vraiment anticipé,
et même imaginé, se trouvent à manquer de « tout ». Et l’on découvre
notre dépendance à l’usine du monde…
Dans
le monde occidental, succède à la sidération, pour des raisons de souveraineté,
une politique volontariste de réindustrialisation.
Patatras en Chine dont l’économie s’effondre pour ne pas redémarrer post-covid. Et
c’est tout un modèle qui entre en profonde récession. Le gouvernement panique,
non plus pour raison sanitaire, mais cette fois-ci politique – les effets du modèle
autocratique ne pouvant plus être gommés par la croissance économique – et déploie
sous couvert de risque Covid toujours présent, les grands moyens pour contrôler
une population déjà groggy à force de tests PCR, confinement qui n’en finissent
pas, et d’applications électroniques de traçabilité individuelle. (Dire qu’il y
en a qui parlent de dictature pour qualifier nos gouvernements…)
Aujourd’hui
un diplômé sur deux ne trouve plus de boulot en Chine. L’an dernier les
salaires de la fonction publique pléthorique du pays ont été réduits de 30% !
Vous avez bien lu, trente pourcents. Et la population vieillit rapidement,
faute d’une natalité qui, à défaut de confiance dans l’avenir, ne repartira évidemment
pas.
Comment
tout cela va-t-il évoluer ?
Pendant
ce temps, de l’autre côté du monde – notamment chez nous – les populistes font
leurs choux gras des insatisfactions du moment, surfant sur les peurs et les
antagonismes par des allégations simplistes tournant en caricature les équilibres
subtils de nos démocraties.
Aurait-on
oublié qu’elles sont l’essence même de notre prospérité et notre sécurité ?
Pourtant cela semble faire mouche auprès d’une vaste proportion d’électeurs…
Dans
ce contexte Poutine choisit d’attaquer l’Ukraine, pariant sur une victoire
éclaire, une Europe atone et une Amérique indifférente. Mais c’est heureusement
raté. Et la guerre pour nos libertés, car il s’agit bien de cela, s’installe
en Europe, faisant trembler les moins courageux. Echo aux faiblesses et démissions
des années 30 qui ont laissé Hitler entrainer le monde dans un conflit global.
Concomitamment
l’Amérique se fracture et nous inquiète, menacée par un Trump effrayant auquel
elle ne parvient pas à opposer une alternative capable de rassembler ses
formidables talents. Heureusement, rien ne semble vouloir encore arrêter son économie
florissante.
Et
le Moyen-Orient toujours instable devenu une véritable poudrière. Comme si les
Hommes de bonne volonté l’avait abandonné aux affres de radicaux de tous bords
dans un délire Djihadiste auquel répond une loi du Talion sans discernement…
…
Attablé
dans un petit restaurant en bordure de la nationale d’une ville moyenne de la province
du Fuzhian où Shuchen, Fan et moi sommes les seuls clients, dans un boucan d’enfer,
je regarde les camions s’arrêter et redémarrer au carrefour du quartier. L’établissement
est vide, comme la plupart des autres restaus depuis la grande dépression. Faute
de moyens, presque plus personne ne déjeune en ville, entraînant l’effondrement
de toute cette économie de proximité.
Mais
peut-être suis-en train de vous ennuyer en m’éloignant de la légèreté
habituelle de mes chroniques voyageuses ? Désolé
si c’est le cas. Mais voyager comme j’ai encore la chance de le faire est un
formidable révélateur de l’état du monde. Au long de toutes ces
années, j’ai eu le privilège de sillonner ces pays et bien d’autres encore. Et
je dois dire que cela devient de plus en plus compliqué et incertain. Nous
entrons à l’évidence dans une période instable à hauts risques économiques,
sociaux, militaires, où il ne va pas falloir trembler si nous voulons préserver
notre mode de vie libre, prospère, en sécurité.
…
20h30,
je viens de passer l’immigration de l’aéroport international de Canton. Très
peu de passagers, et sur la ligne « international » (comprenez non-résidents
Chinois), car il n’y en avait qu’une d’ouverte sur la dizaine de kiosques, nous
étions moins de 10.
Insidieusement
la Chine se referme.