dimanche 29 novembre 2009

Fête de l'Aïd à Merzouga


Merzouha, le 28 novembre :

Nous vous avons laissé hier soir à la recherche du Riad de Larbi que nous avons finalement retrouvé grâce aux précieuses indications de Thomas, par téléphone depuis la France…

Accueil sympa et discussions autour d’un délicieux poulet pommes-frites.
Larbi est un petit homme grisonnant d’une quarantaine d’années au visage avenant particulièrement lorsqu’il s’exprime. D’un naturel assez bavard, il nous raconte l’histoire de son établissement et quelques anecdotes savoureuses sur les touristes qu’avec ses frères ils accueillent régulièrement, dont une majorité d’espagnols attirés par la « grand frisson du désert » pour des raisons aussi variées que parfois surprenantes.
Je vous passe donc le grand classique de la fascination des grands espaces, l’exotisme de la vision du nomade au détours de l’oasis à palmier, l’inévitable tour de chameau aujourd’hui concurrencé par le quad loué à prix d’or, sans oublier les stages de méditation parait-il de plus en vogue aujourd’hui… tout ça, vous l’imaginez bien sûr sans peine, à la nuance près que ces activités se déroulent parfois simultanément sur un périmètre bien encadré assez restreint, et qu’il n’est pas rare que les quads fassent l’assistance rapide de touristes incommodés par la démarche chaloupée du dromadaire, et passent en trombe devant un groupe de yogistes en pleine méditation face à la dune... Si, si, je n’exagère rien, c’est l’un des frères de Larbi qui me l’a raconté.

Mais connaissiez-vous le dernier truc à la mode ?
Et bien je vous donne en mille : la « sa-blo-thé-ra-pie ».
Décomposez bien le mot et vous commencez à comprendre de quoi il s’agit.
Je ne vous fais pas languir d’avantage car je sens que vous mourrez d’impatience d’en savoir plus.
Vous faites donc un trou dans la dune, avant de vous y allonger, et que l’on vous recouvre le corps de sable. Excepté la tête évidemment. Sinon ça s’appellerait la « sablommicidérapie » et ça n’a bien sûr rien à voir.
Donc, finalement, ni plus, ni moins que ce qu’enfants nous avons tous fait sur la plage de Saint de Jean de Mont. Et dire qu’il y a des gens qui payent pour ça. Et même assez cher parait-il. De là à ce que soit un jour remboursé par la sécu…



Hier soir nous avions décidé de faire un jour de break à Merzouga. Alors que j’informe Larbi de nous garder les chambres pour une nuit supplémentaire, tout sourire il nous invite à fêter l’Aïd El Kebir aujourd’hui avec sa famille, ce que ne pouvant refuser, nous acceptons de bonne grâce.
C’est donc avec curiosité que nous partons ce matin avec son plus jeune frère vers la maison familiale au cœur du village, une modeste bâtisse de pisé au milieu d’un labyrinthe de ruelles poussiéreuses.
La fête de l’Aïd est l’une des principales fêtes religieuses de la communauté musulmane, comparable en importance à ce que Noël représente pour les chrétiens.
En arrivant à la maison nous entrons par une petite porte basse, puis traversons un étroit couloir, avant de déboucher sur une cour intérieure en terre battue où les hommes dépouillent un mouton pendu par les pieds à un portique de bois fixé à l’angle de deux murs. Larbi et son père, un « vieux » monsieur de 69 ans, ancien mineur à la retraite, s’affairent sur la bête dont la tête coupée est posée un peu plus loin sur une sorte de panier tressé.
Une fois la peau enlevée, l’animal est ensuite éviscéré puis carcasse et organes sont lavés à grandes eaux. La scène est assez spectaculaire pour les non initiés.
Pour cette opération le père de Larbi porte un sur-pantalon de protection ainsi qu’un petit chapeau, sorte de calot à connotation religieuse. L’acte est en effet symbolique, reproduisant le sacrifice d’Abraham dont la main fut retenue par un ange au moment où il allait immoler son propre fils pour Dieu, et que ce dernier lui demanda d’égorger plutôt un mouton…
Un détail saute aux yeux en observant plus précisément les gestes précis du papa : trois doigts manquants à sa main droite, conséquence d’un accident de travail 30 ans plus tôt, alors qu’il manipulait des explosifs à la mine.
Nous sommes ensuite invités à passer dans la grande salle de la maison, et après s’être déchaussés, nous installons sur de très simples banquettes garnies de coussins le long des murs. Les femmes en tenues traditionnelles berbères viennent alors servir des pâtisseries, tandis que le patriarche préside la cérémonie du thé assis par terre sur une place visiblement réservée.
Excepté la sœur mariée dont la fête se déroule chez la famille de son époux, toute la famille est réunie. Il y a même ici un oncle, ancien militaire devenu un peu fou suite à un traumatisme psychologique lors du conflit contre le front Polisario dans les années 70 au Sahara Occidental. Depuis la famille en prend soin.
L’ambiance est joyeuse et le temps passe lentement, rythmée par la succession des plats : thé très sucré et pâtisseries, brochettes de foie, de cœur, tagine mouton, fruits frais.
Tout en plaisantant nous débattons politique, économie, religion, sport, dans une chaleureuse ambiance familiale et bonne enfant jusqu’en milieu d’après-midi où nous les quittons, touchés d’avoir eu la chance de partager ce moment avec eux.



Demain nous repartons pour une longue navigation, deux jours et environ 300 km de pistes Sud-ouest vers Mahmid.
Nous profitons donc de la fin d’après-midi pour refaire le plein à la boutique du coin, par bidons de 5 litres puisés sur un simple fut de 200 litres, la dernière station service étant une trentaine de km plus au nord. Egalement un petit coup d’air comprimé sur le filtre à air, et comme il nous reste du temps, faisons un détour par le lac de Merzouga, étonnant point d’eau au pied des dunes.

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