dimanche 2 août 2020

Voyage en train à vapeur

Par le plus grand des hasards, notre road-trip nous mène jusqu’à la gare de Saint Jean du Gard d’où part le train à vapeur des Cévennes.

J’ai toujours rêvé de voyager à bord d’une telle machine disparue depuis longtemps. Mon père, né en 1940, ne l’a pas connu. Il faut donc remonter à la génération précédente de mes aïeuls qui connurent son âges d’or entre deux guerres. Et dans l’imaginaire collectif, elle reste l’un des progrès majeurs de l’ère industrielle. Avec cette innovation, fin 19ème, on passait de moyens de déplacement à la force musculaire – marche à pied, voiture à cheval, bicyclette – à celui, un peu magique, de la machine à vapeur. D’un coup le monde rapetissait et les déplacements prenaient une toute autre dimension.

Tenter de vivre cette expérience était un rêve, comme celui d’une transatlantique à bord d’un paquebot ou d’un vol à bord du mythique avion Lockheed Constellation.

9h30, excités comme des enfants avant un tour de manège, nous nous présentons les premiers à la gare pour ne pas louper le départ. Elle n’ouvre ses portes qu’à 10h. Qu’à cela ne tienne, nous nous installation à une table de la guinguette donnant sur l’unique quais, et, comme un anachronisme, prenons notre mal en patience en tapotant sur nos smartphones. Les passagers commencent à arriver quand retentit au loin le sifflet de la locomotive. Tout le monde se lève pour voir arriver la machine dans un nuage de vapeur et de fumée mélangées. Instant magique que cette impression d’immersion dans un film d’époque. A petite vitesse, elle passe devant nous pour s’arrêter un peu plus loin sous la pompe à eau pour faire le plein. A l’arrêt, la machine émet le souffle régulier des cycles de décompression de vapeur produite par le système de chauffe, tandis que dans une chaleur étouffante, les machinistes s’affairent sur la plateforme entre la réserve de charbon et la chaudière où sont connectés tuyaux et manomètres. (Pas de doute, à l’époque le métier était très pénible). J’essaie d’imaginer l’effet que pouvait produire la bête et ses dompteurs sur les voyageurs découvrant l’engin pour la première fois...

Au coup de sifflet du chef de gare, nous montons dans un wagon avant que le train ne s’ébroue dans un long râle, comme le souffle d’un monstre sortant des entrailles de la terre. Puis nous commençons à rouler sur cette voie antédiluvienne derrière les tchou-tchou de la loco. En contre-jour, comme des milliers de gouttelettes, retombent sur les voitures les particules de suies émises par machine, tandis qu’accélère doucement la fréquence de claquement des passages des roues d’aciers d’un rail à l’autre. Puis tout semble se stabiliser dans un vacarme juste supportable, ballotés par les irrégularités de la voie ferrée. Pour les premiers passagers, l’impression devait être extraordinaire. Dans un confort somme toute bien supérieur à la voiture à cheval, sans effort ils cheminaient de gare en gare à la vitesse vertigineuse de 40 km/h !


Je poursuis l’effort d’immersion en me projetant dans le voyage en tant que tel. Assis dans le wagon, nous profitons de la caresse de l’air tiède de cette fin Juillet. En contre-bas, les eaux transparentes du Gardon s’écoulent sur les galets blancs. Sous les reflets irisés du soleil, ça et là on distingue de belles truites remontant le courant, tandis que quelques vacanciers lézardent au soleil.
Nous entrons dans les ténèbres d’un long tunnel où la fumée emplit nos narines de l’odeur âcre du charbon brulé. 900 m qui semblent une éternité. Puis le flash lumineux de la lumière de midi à la sortie de l’obscurité.
La ligne continue de serpenter en surplomb de vallée dans de jolies courbes épousant le relief. Nous débouchons sur un élégant viaduc de pierres roses enjambant la rivière au-dessus d’un moulin à eau. En bas,  des enfants nous font de grands signes auxquels nous répondons.
Arrêt de 2 minutes à une petite gare, et le train repart.
Anduze, terminus : 25 km en ¾ heures sans effort.

A une époque où le progrès fascinait encore les foules, le train à vapeur a changé le monde et nous l’avons presque oublié.



 

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