samedi 1 août 2020

Road-trip masqué

Des mois que je n’ai pour ainsi dire pas mis le nez dehors en sortant de nos frontières pour raisons professionnelles ou personnelles. L’épidémie de Covid, à l’origine d’une cascade de restrictions de déplacement – jusqu’aux confinements – dont certaines se poursuivent encore aujourd’hui, a bouleversé nos vies et sans aucun doute changé le monde.

Qui aurait pu imaginer un scénario pareil ?
C’est inédit, et il ne fait aucun doute que nous en reparlerons dans longtemps encore.

Début juin, une sortie en voiture vers la Bretagne restera comme un moment de réel plaisir. Celui de la liberté retrouvée après seulement 2 mois de contraintes.

Que doit être la sensation des prisonniers sortant d’années d’enfermement dans des conditions incomparablement plus difficiles ? Pour eux aussi le monde a changé. Sauf qu’ils doivent rattraper le temps perdu, et tenter de se reconnecter avec ceux qui n’ont rien subit de pareil. Sacré défi. A côté de ça, nos quelques semaines de restriction de liberté ne seraient qu’un détail si elles ne
concernaient pas plus de la moitié de l’humanité.

Mais pour en revenir à cette sortie Bretonne, au-delà du plaisir indicible de se mouvoir de nouveau librement, il y eu celui d’aller au restaurant se faire servir un déjeuner avec quelques collègues de travail. On s’était presque habitué à s’en passer. Mais bon sang, rien ne remplace ces vrais moments de convivialité.

La vie serait donc pratiquement redevenue comme avant, s’il n’y avait la poursuite insidieuse des mesures de précaution, dites de distanciation sociale. Et je ne parle pas des restrictions toujours présentes pour les voyages internationaux. Voler vers les USA, le Brésil, l’Inde ou la Chine, pour ne citer que ces pays, reste quasi impossible tant les quarantaines sont contraignantes. Alors on continue les réunions vidéo, et inévitablement une distance relationnelle s’installe et les affaires avancent moins vites.


On se dit que pour les vacances, ce sera différent.
Différent, parce que la pression n’est pas la même, que les enjeux économiques s’oublient pour une parenthèse « enchantée » où la vie s’écoule plus lentement.
Comme il n’est pas facile de partir loin, nous choisissons l’option « road-trip » en voiture de sport sur les routes de France. Partir le nez au vent, sans réelle destination ni contrainte. Juste se laisser porter par une direction générale, vers le Sud évidemment. Musarder sur un filet de gaz, au gré de petites départementales traversant les villages de notre pays magnifique. Celles encore bordées de poteaux téléphoniques en bois et bornes Michelin en ciment. Itinéraires que l’on s’était promis pour nos vieux jours, quand la santé ne permettrait plus les voyages au long cours. Tu parles…

On s’arrête boire des coups en regardant et écoutant les gens dans « Les Cafés Des Sports », ou passer la nuit à « l’Hôtel de France ». Et l’on ne voit que des personnes masquées, protégées derrières une étoffe cachant la moitié du visage. Et la relation n’a plus rien à voir. Le service est certes assuré, mais les ondes ne passent plus du tout pareil. Il manque tout le langage non verbal du visage, cette boule de 20 cm dont les expressions expriment tant au-delà des mots. Plus de sourire, moitié moins de rides visibles, et nous ne savons plus à qui nous avons à faire. Seuls certains yeux parlent encore, mais avec une sorte de distance. Impossible de lire convivialité, bienveillance, engagement, empathie ou nonchalance. Pour ceux dont le service est le métier, le job est fait, mais avec une indéfinissable tristesse pourtant tellement palpable.

Sûr, nous ne sortirons pas totalement indemnes de cet épisode inédit.



Aucun commentaire: