samedi 28 février 2015

Toucher les baleines grises

Nous remontons la péninsule de Basse Californie du Sud en Voiture, traversant d’improbables bourgades désertes sur les bords de la route n°1. Normal, il n’y en a qu’une... Il ne ferait pas vraiment pas bon vivre au milieu de ce désert hérissé de cactus. D’ailleurs peu de maisons semblent encore habitées…

Puis nous bifurquons vers l’ouest pour rejoindre la côte Pacifique au village d’Adolfo Lopez Mateos dont la rue principale s’échoue sur un petit ponton à quelques encablures d’une pêcherie en activité.
C’est ici que nous embarquons sur un canot motorisé.
Moteur à mi-régime, nous naviguons tranquillement sur un bras de mer protégé des affres de l’océan derrière une longue dune au pied de laquelle pousse une mangrove clairsemée. Soudain Gustavo pointe du doigt une forme rasant les flots, puis une deuxième. De quoi peut-il bien s’agir ?
Une baleine grise et son petit, à peine 100 m devant nous ! Nous approchons doucement mais elles disparaissent. C’était trop beau. Tout sourire notre pilote stoppe l’embarcation en scrutant les flots scintillants de ses yeux plissés illuminant un visage tanné par le soleil et les embruns. Brusquement, à seulement quelques mètres de notre embarcation, un souffle puissant projette une gerbe d’eau en fine pluie diffractée en arc-en-ciel. Apparaît alors le dos d’un cétacé, épaisse cuirasse grise recouverte par endroits de petits coquillages parasites, qui, dans une ample ondulation déroule entièrement son corps de géant jusqu’à la puissante nageoire caudale qui propulse l’animal avec puissance et élégance dans ces eaux calmes. Impressionnant !
A peine remis de l’effet de surprise, une autre baleine grise accompagnée de son petit vient raser notre coque noix sur l’autre bord, découvrant au passage son gros œil curieux au regard bienveillant sur des petits bonshommes stupéfiés par une telle rencontre.
Tandis que notre pilote redémarre, une autre baleine se dirige droit sur l’embarcation, énorme masse noire qui au dernier moment passe avec délicatesse sous le bateau sans faire de vague, comme si elle jouait avec nous avec une incroyable douceur.
Nous naviguons maintenant plein gaz dans un chenal entre deux dunes vers le large. Le courant est assez fort, dessinant sur les flots de larges arabesques scintillantes. Devant nous une autre baleine développe toute sa puissance pour avancer à contre-courant, découvrant à chaque ondulation de son corps puissant, telle l’hélice d’un supertanker, une magnifique nageoire caudale aux reflets argentés. Nous la rejoignons pour voguer de concert, moment magique dont les images s’impriment à jamais, souvenirs indélébiles dont on aimerait étirer le temps pour profiter d’un ralenti en live. Puis elle disparait.
Il est temps de faire demi-tour.

Nous rentrons vers l’embarcadère.
Absorbé par ces géants, je n’avais pas remarqué le vol rasant des pélicans en escadrilles, par trois ou quatre, dont quelques solitaires aux allures de vieux sages, posés à la proue des barques appontées, semblent surveiller la petite activité de l’embarcadère aux baleines, et se moquer de l’étonnement de petits hommes encore sous le charme de ces rencontres exceptionnelles.


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