Partir en van, c’est franchir un seuil invisible. On quitte le quotidien pour glisser vers une dimension parallèle où les aiguilles de l’horloge semblent ralentir. D’abord, il faut réapprivoiser le véhicule : trouver où poser la cafetière pour qu’elle ne bascule pas dans les virages, ranger les objets pour qu’ils ne sonnent pas trop sur les bosses de la chaussée et les retrouver à portée de main. Et n’emporter que le nécessaire, rien que le nécessaire.
Le moteur ronronne, une vibration rassurante se propage dans l’habitacle, il est temps de partir.
Les premiers kilomètres gardent encore un parfum d’habitude : on vérifie la route, on pense à la prochaine étape. Puis, presque sans s’en apercevoir, on glisse dans un autre rythme… ou plutôt dans un non-rythme. La vitesse n’est plus une contrainte mais une respiration. Chaque virage ouvre une scène nouvelle : un champ d’herbes hautes qui ondule, un hameau endormi aux volets entrouverts, l’éclat argenté d’une rivière qui serpente sous les arbres, l’horizon irisé de l’océan. Chaque arrêt devient une halte sensorielle. On coupe le moteur et le silence prend toute la place, juste troublé par le chant des oiseaux, l’écoulement d’un ruisseau ou le souffle du vent dans les branches. On s’assoit sur le marchepied, un mug entre les mains, et on se laisser aller à ne rien faire d’autre. L’odeur de terre humide après une averse, la chaleur du soleil sur le ruban d’asphalte, l'air iodée de la corniche, la texture rugueuse du bois d’une table de pique-nique.
Le voyage devient une parenthèse. Les contraintes disparaissent. Les horaires se dissolvent. On dort quand la nuit tombe, on mange quand la faim se fait sentir. Le monde semble s’élargir depuis ces quelques mètres carrés sur roues. Paradoxe étonnant qui libère l’esprit : l’espace intérieur se dilate, le temps se fait fluide. On n’empile plus les minutes, on accumule les instants.
Dans cette bulle roulante, le présent devient souverain. On s’émerveille d’une lumière dorée de fin de journée ou de l’ambiance d’une place de village. Il n’y a plus de “demain” ni “d’après”, juste un “maintenant” que l’on étire au maximum.
1 commentaire:
Partez en chantant
Le monde appartient
A ceux qui n’ont rien
Maurice Carême
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